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Le cancer du sein frappe aussi les hommes. Une équipe LIVES s’en préoccupe

La maladie qui concerne une femme sur huit fait également des victimes parmi leur compagnon. Dans le cadre du Pôle de recherche national (PRN) LIVES, un projet dirigé par le Prof. Nicolas Favez montre que les deux partenaires doivent être soutenus.

C’est une micro-équipe qui s’est attaquée à l’étude des impacts psychosociologiques d’un mal majeur au 21e siècle : le cancer du sein, première cause de mortalité des femmes de moins de 60 ans. Nicolas Favez, professeur de psychologie à l’Université de Genève et chef de l’IP11 du PRN LIVES, mène une enquête longitudinale avec une chercheuse post-doc, une doctorante et une infirmière, en collaboration avec un médecin du CHUV, dont une des originalités est de s’intéresser également au ressenti des conjoints dans cette épreuve.

L’étude se déroule en plusieurs étapes. Dans le mois qui suit leur opération, les patientes et leur partenaire sont invités à répondre à un questionnaire individuel et à participer à un entretien d’environ 30 minutes. L’exercice est ensuite répété trois fois au cours des deux années suivantes. Le questionnaire sert à récolter des données sociodémographiques sur les participants ainsi que des informations sur leur état psychologique, la qualité de leur relation de couple et le soutien social dont ils bénéficient. L’entretien permet d’approfondir certains ressentis et permettra une approche par « méthodes mixtes », mêlant le quantitatif et le qualitatif.

Plus de participant-e-s que prévu

Au départ, fin 2011, l’équipe s’attendait à recruter très difficilement des participants et s’était fixé comme objectif de réunir 60 couples, soit 120 personnes. Deux ans plus tard, 150 personnes ont déjà été interviewées, et l’expérience montre que le taux de refus n’est que de 30%. Des femmes célibataires participent également à l’étude, ou sont en couple mais seules à répondre, le conjoint n’ayant pas accepté d’entrer dans le projet.

« Nous constatons que les gens sont souvent contents que l’on s’intéresse à eux pour autre chose que des questions médicales. Les hommes notamment sont particulièrement touchés qu’on les inclue dans la démarche », explique le Prof. Favez. « Or l’analyse des premières données montre que le stress généré par la maladie est tout aussi élevé, voire davantage, chez les hommes que chez les femmes, qui ont un ennemi clair à combattre, alors que leurs compagnons se sentent ballotés et sans contrôle de la situation. »

Le chercheur note aussi que les femmes chez lesquelles on recense les plus grands signes de symptômes de dépression sont aussi celles dont le conjoint a refusé de participer : « C’est peut-être un indice de tension relationnelle, et l’on sait déjà que le soutien du partenaire dans n’importe quel type de maladie est essentiel pour la santé mentale. Ce qui est plus controversé, c’est de savoir si la santé mentale a à son tour un impact sur le système immunitaire, et donc sur la santé physiologique », poursuit-il.

De la matière pour dix ans

A ce stade, seules les données de la première vague de questionnaires et d’entretiens ont été en partie analysées. « Nous avons de la matière pour dix ans de recherche et de publications », se réjouit le responsable du projet.

Une autre originalité de cette étude est de recourir à la théorie de l’attachement pour observer la manière dont les femmes vivent leur cancer et analyser le type de soutien apporté par les partenaires face à une telle maladie. Grossièrement résumée, cette théorie répartit les personnes selon trois types d’attachement : le sécurisé, l’anxieux et l’évitant, en fonction de constructions de la personnalité liées aux premiers mois de la vie. « Nous avons déjà pu analyser par exemple que les femmes « évitantes », qui ne montrent pas leurs besoins émotionnels et sont dans l’hyper-contrôle d’elles-mêmes, souffrent davantage des atteintes à l’image de leur corps que provoque le cancer du sein. Cela laisse penser qu’il faudrait peut-être cibler les interventions en fonction des personnalités de chacune et de chacun », entrevoit le psychologue.

Prévention et soutien psychologique

Car le but ultime de cette étude, en plus de la recherche fondamentale, est bien d’arriver à faire des propositions pour une prévention des effets négatifs du cancer sur le bien-être psychologique. Pour l’instant, les femmes ne bénéficient d’aucun suivi systématique, et les hommes d’aucun soutien du tout. L’équipe de projet estime qu’il faudrait prévoir ces espaces, où les hommes pourraient ainsi venir déposer en toute confidentialité le fardeau de l’accompagnement au quotidien de leur compagne malade.

Les entretiens menés dans le cadre de l’étude montrent en tout cas que les partenaires retirent une grande satisfaction de cet intérêt pour leur état personnel. L’autre conclusion, encore provisoire également, est que si ce moment est intégré dans le processus ordinaire du traitement de la patiente, il a de plus grandes chances d’être pris en compte que s’il surgissait d’une autre instance. Les couples accepteront d’autant plus volontiers cette offre qu’elle ne les détourne pas de leur priorité : vaincre la maladie.