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Projet de thèse: être une femme sans enfant, c’est pas si facile

Une jeune chercheuse de l’Université de Lausanne effectuant sa thèse au Pôle de recherche national LIVES démarre une étude qualitative sur la «contrainte à la maternité», une norme sociale qui peut peser sur celles qui n’ont pas un parcours familial standard.

Une quarantaine de participant-e-s à l’étude « Cohésion, conflits et régulation » – grande enquête suisse auprès de 1500 couples menée au sein du Pôle de recherche national LIVES – ont commencé à recevoir début mars 2013 un courrier leur proposant un entretien pour aborder une question sensible: l’absence d’enfant, qu’elle soit subie ou choisie. Cette étude qualitative est menée par Vanessa Brandalesi dans le cadre de son projet de thèse rattaché à l’IP 8 du PRN LIVES. Deux autres doctorantes, basées à Genève, traitent le volet quantitatif de l’étude en analysant les données récoltées lors de la troisième vague du questionnaire en 2011.

La spécificité de la thèse de Vanessa Brandalesi, affiliée à l’Université de Lausanne et supervisée par la Prof. Laura Bernardi et la Prof. Marianne Modak, est de se consacrer à une approche uniquement qualitative, c’est-à-dire sans perspective statistique mais sur la base d’entretiens approfondis : « Chaque parcours est unique. Bien sûr, en tant que sociologue, je cherche à établir les grandes lignes, et notamment à voir les différences qui existent entre les différentes tranches d’âge. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est d’entendre ces personnes s’exprimer sur leur rapport aux normes que la société produit, et qui sont difficiles à appréhender avec une méthode uniquement quantitative », explique la jeune chercheuse.

Les quelque quarante personnes visées sont âgées entre 35 et 65 ans et résident dans les trois grandes régions linguistiques de Suisse. Il s’agit de couples sans enfant, même si l’homme peut être père en raison d’une union précédente. Vanessa Brandalesi souhaite les entendre ensemble, puis séparément, sur cette question de l’absence d’enfant. Elle s’intéresse notamment aux représentations de chacun sur la féminité et la maternité, au regard de l’entourage, aux événements-clés du passé et aux projets.

Constats des premiers entretiens

Afin de se préparer et affiner ses questions de recherche, la doctorante a déjà mené une dizaine d’entretiens pilotes avec des femmes seules et des couples sans enfants. Ces rencontres lui ont déjà permis de percevoir que la pression sur les femmes est beaucoup plus forte que celle qui s’exerce sur les hommes. Les femmes qui ont délibérément choisi de ne pas avoir d’enfant sont également plus enclines à s’exprimer que celles qui voudraient en avoir et pour qui le sujet est très émotionnel. De manière générale, les parcours de vie de ces personnes montrent à quel point les situations sont le résultat d’une combinaison de facteurs.

En Suisse, une telle étude n’a encore jamais été menée. Les femmes font des enfants de plus en plus tard, et une part grandissante d’entre elles n’en a pas. Elles sont pourtant ignorées des statistiques, et perçues dans le sens commun soit comme des égoïstes, quand c’est un choix, soit comme des victimes, quand elles auraient voulu être mère mais ne l’ont pas pu. Et pour toutes tombent souvent le verdict qu’elles ne sauraient être des femmes « complètes ». La thèse de Vanessa Brandalesi changera peut-être cette image.