Pierre-Yves Maillard ouvre le Colloque Pauvreté, dialogue entre chercheurs et praticiens
Le chef du Département vaudois de la santé et de l’action sociale (DSAS) a plaidé le 11 octobre 2012 devant 300 travailleurs sociaux et universitaires pour une circulation dialectique des idées entre le service public et le monde de la recherche.
En ouvrant le 2e Colloque Pauvreté à Lausanne, qui réunit pendant deux jours à Lausanne 300 participants issus d’institutions sociales et académiques - avec une forte contribution des membres du Pôle de recherche national LIVES -, le président du Conseil d’Etat vaudois et chef du DSAS a souligné l’enrichissement mutuel que permet ce type de rencontre. «Le service public a besoin d’être irrigué par des idées», a-t-il défendu, ajoutant que les chercheurs quant à eux avaient besoin d’être alimentés par les praticiens.
Le ministre vaudois s’est ensuite efforcé de démontrer qu’il entend également être à l’écoute des usagers des politiques sociales. Partant d’échanges lus sur un forum en ligne, il a déclaré comprendre la révolte de certaines familles aux revenus modestes face à la difficulté d’obtenir une aide sociale. «La longueur des démarches» et «le sentiment que la politique sociale n’est jamais pour eux», alors que le canton a fait «des efforts considérables» pour améliorer la lutte contre la pauvreté, sont un sujet de préoccupation pour Pierre-Yves Maillard: «Il faut prendre en compte le ressenti des gens pour adapter les procédures administratives», a-t-il lancé.
Casser certaines constructions mentales
Le conseiller d’Etat socialiste a ensuite déclaré qu’il fallait casser certaines «constructions mentales» comme l’idée que les étrangers savent mieux s’y prendre pour obtenir l’aide sociale. Il souhaite aussi dé-stigmatiser les bénéficiaires de l’aide sociale en créant davantage de passages entres les différents piliers de solidarité. «On doit avoir le droit à l’aide sociale, mais aussi le droit à en sortir», a soutenu Pierre-Yves Maillard, appelant à plus de «fluidité et de complémentarité» entre les différents régimes existants.
Enfin il a insisté sur l’importance «thérapeutique» de la valorisation, en prenant l’exemple du projet FORJAD, qui a formé et placé sur le marché de l’emploi 1500 jeunes bénéficiaires du revenu d’insertion depuis son lancement, une réussite «au-delà de nos espérances». Pour terminer, Pierre-Yves Maillard a annoncé que son département et celui de la formation et de la jeunesse réfléchissent à mettre en place une politique de prévention des problèmes sociaux sur le mode de ce qui existe déjà en matière sanitaire auprès des familles avec un nouveau-né.
Ce qu'en disent les universitaires
Trois conférences ont suivi cette ouverture. La psychologue Heidi Simoni a appelé à combattre la pauvreté des familles en créant des perspectives pour les parents et leurs enfants le plus tôt possible, car, «en tant que professionnels du domaine, nous pouvons soutenir les parents à appréhender et élargir l’espace d’action et de pensée.»
Marianne Modak, professeur à la Haute école de travail et de la santé – EESP Lausanne et chercheuse LIVES, a souligné le rôle du système de valeurs des assistants sociaux dans la reproduction des inégalités de genre. Relatant une expérience qu’elle a menée auprès de 36 services sociaux de Suisse romande, elle a démontré que les «registres normatifs» des aidants ont une influence sur le type d’aide qu’ils proposent, les mères étant souvent invitées à rester à la maison, même quand elles pourraient gagner plus que leur conjoint.
Enfin Daniel Oesch, professeur de sociologie à l’Université de Lausanne et chercheur LIVES, a dévoilé les résultats d’une enquête menée avec Isabel Baumann auprès de personnes licenciées à la suite de fermetures d’usines. «La bonne nouvelle», a-t-il annoncé, c’est que deux tiers des gens ont retrouvé du travail dans les deux ans, y compris ceux avec un très faible niveau de qualification. La mauvaise, c’est qu’à partir de 55 ans, le taux de reprise d’emploi chute drastiquement.
Le Colloque Pauvreté se poursuit le 12 octobre avec des ateliers, une table-ronde et la conférence très attendue de Serge Paugam, grand spécialiste français de la précarité.