Lancement d’une enquête sur les réseaux sociaux auprès des chômeurs vaudois
Un questionnaire va être distribué auprès de 5000 personnes en recherche d’emploi pendant les mois de février et mars 2012, première étape d’une analyse portant sur l’impact des liens avec l’entourage dans l’accès au monde du travail. Un projet du Pôle de recherche national LIVES, hébergé par les universités de Lausanne et Genève.
A partir du 1er février 2012 et pendant deux mois, les nouveaux chômeurs qui suivront la séance d’information collective sur l’assurance-chômage (SICORP), passage obligé de l’entrée au chômage dans le canton de Vaud, se verront remettre un questionnaire d’une dizaine de pages avec des questions à choix multiples portant sur leur réseau social au sens large (parents, amis, voisins, anciens collègues, milieux associatifs, etc.). Les participants auront une vingtaine de minutes pour répondre à cette enquête menée dans le cadre du projet 4 du PRN LIVES, dirigé par le professeur Jean-Marc Falter et intitulé Inégalités économiques: Vers des chemins pour sortir de la vulnérabilité.
Pendant les douze mois suivants, les personnes qui auront retrouvé un emploi recevront un deuxième questionnaire. Celles qui seront toujours au chômage après une année se verront remettre un troisième type de formulaire au terme de ces douze mois, moment considéré comme le passage vers le chômage longue-durée.
Menée par les doctorants Anna Von Ow et Nicolas Turtschi ainsi que le post-doctorant Patrick Arni sous la direction des professeurs Giuliano Bonoli, Rafael Lalive et Daniel Oesch, cette enquête sur les réseaux sociaux et l’accès à l’emploi est une première en Suisse. « À notre connaissance, seules quatre études au monde ont été menées sur le sujet, mais dans des contextes différents », souligne Nicolas Turtschi, titulaire d’un master en sciences sociales.
Impact des proches
Le projet s’inscrit dans la continuité de la théorie de Mark Granovetter sur la force des liens faibles. Au début des années 70, ce dernier avançait que les lointaines connaissances d’une personne - les liens faibles - permettaient mieux que les proches – les liens forts - la circulation de l’information, processus nécessaire dans l’accès à l’emploi. En effet, le cercle habituel des relations n’apporte en général aucune nouvelle information utile. Cette théorie est maintenant remise en question car l’on estime que le groupe des intimes a d’autres fonctions : on sera par exemple plus facilement recommandé par un proche que par une vague connaissance.
Les premières données récoltées dans l’enquête seront rapidement codées, grâce à la participation de deux étudiantes de l’IDHEAP, puis analysées en lien avec les résultats des deux questionnaires suivants. En parallèle, Nicolas Turtschi mènera une quarantaine d’entretiens qualitatifs avec les personnes réunissant le plus d’obstacles à l’intégration professionnelle (âge, niveau de formation, parcours migratoire, etc.).
Enfin un test sera mené sur l’impact de l’information sur l’activation des réseaux sociaux. La moitié de la centaine de SICORP menés en février et mars proposera un module de sensibilisation donné par les conseillers des Offices régionaux de placement (ORP). Il sera alors possible de comparer les résultats des personnes encouragées à mobiliser leur entourage avec ceux des chômeurs qui n’auront pas eu ce type d’incitation. Cette mesure intéresse notamment le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui finance une partie du projet.
Le Canton de Vaud a été un autre allié très précieux de cette recherche. « Nous avons d’excellents contacts avec le Service de l’emploi, qui nous a soutenus, ainsi qu’avec les près de 60 conseillers ORP concernés sur tout le territoire vaudois, que nous avons rencontrés en janvier pendant une demi-journée et qui se sont montrés extrêmement motivés et positifs », se réjouit Nicolas Turtschi.