Appel à contribution pour la Revue Social Change in Switzerland

Appel à contribution pour la Revue Social Change in Switzerland

La revue Social Change in Switzerland vient de passer le cap du 12ème numéro. Son but est de communiquer les résultats de la recherche sur le changement social en Suisse à un public plus large que le seul monde académique. Le comité éditorial invite les auteur·e·s potentiel·le·s à soumettre des propositions d’articles sur le changement social en Suisse.

Cette revue est éditée depuis 2015 à l’Université de Lausanne par FORS, LINES et le Pôle de recherche national LIVES. Comme toute parution est accompagnée d’un communiqué de presse, les articles bénéficient d’une importante attention médiatique.

La longueur des articles est de 8 à 10 pages. Ils s’adressent à un public de non-spécialistes et sont écrits en français ou en allemand. La rédaction organise la traduction dans l’autre langue. Tous les articles sont évalués au préalable par le comité éditorial.

Social Change in Switzerland publie des résultats empiriques novateurs qui documentent un aspect du changement social ou de la structure sociale en Suisse. Les anciens numéros portent par exemple sur les élites en Suisse, la mobilité sociale au 20ème siècle, les inégalités scolaires ou le vote ouvrier depuis 1970.

Les propositions d’articles peuvent être envoyées sous forme d’un résumé à Daniel Oesch, l’éditeur responsable de Social Change in Switzerland.

>> http://www.socialchangeswitzerland.ch/

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La classe moyenne suisse est en forte croissance, pas en déclin

La classe moyenne n’est pas en érosion en Suisse. Contrairement aux pays anglo-saxons, la structure des professions ne s’y est pas polarisée dans les années 1990 et 2000. Le 12ème numéro de la revue Social Change in Switzerland montre que l’emploi a surtout crû dans les métiers hautement qualifiés et diminué dans les postes à faible niveau de qualification.

Les observateurs de la révolution numérique craignent que l’automatisation ne menace de nombreux métiers qualifiés. L’emploi ne croîtrait alors plus qu’aux marges – dans les professions intellectuelles bien rémunérées ainsi que dans les services à la personne peu rétribués. Le résultat serait l’effondrement de la classe moyenne.

Dans une nouvelle étude, Daniel Oesch et Emily Murphy réfutent cette thèse. Sur la base des recensements de la population de 1970 à 2010, ils montrent qu’au cours de chaque décennie, l’emploi a crû le plus dans les professions les mieux rémunérées et, à l’exception du boom immobilier des années 1980, a surtout diminué dans les métiers les moins bien payés.

Cette amélioration de la structure de l’emploi s’explique par la croissance de la classe moyenne salariée, soutenue par la forte augmentation des niveaux de formation. Entre 1991 et 2016, les cadres, gérants et autres experts sont passés de 34 à 48% de la population active, alors que la part des ouvriers de production a chuté de 23 à 16%, et celle du personnel auxiliaire de bureau de 17 à 8%.

Seule une catégorie de la classe ouvrière a augmenté depuis 1991 : les travailleurs et travailleuses des services à la personne, qui sont passés de 13 à 15%. Cette croissance a cependant été trop faible pour compenser la suppression des postes dans l’agriculture, l’industrie et le back office. Le progrès technologique n’a donc pas érodé la classe moyenne, mais clairsemé les rangs des ouvriers industriels et du petit personnel administratif.

>> Daniel Oesch & Emily Murphy (2017). La classe moyenne n’est pas en déclin, mais en croissance. L’évolution de la structure des emplois en Suisse depuis 1970. Social Change in Switzerland No 12, www.socialchangeswitzerland.ch

Contact : Daniel Oesch, +34 91 624 85 08, daniel.oesch@unil.ch

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

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Les frontières de la monoparentalité sont floues. Un nouveau livre aide à faire le point

Le 8e volume de la série Life Course Research and Social Policies, dirigée par le Pôle de recherche national aux éditions Springer, est dévolu à une problématique centrale de l’étude des parcours de vie : la complexité croissante des formes familiales, qui touche un nombre de plus en plus important de personnes vivant l’expérience de la monoparentalité à un moment de leur trajectoire. Généralement associée à un plus grand risque de vulnérabilité, la monoparentalité est un processus dynamique qui ne doit pas être enfermé dans des stéréotypes et met au défi les politiques sociales.

Née dans la foulée d’un colloque organisé par le Pôle de recherche national LIVES en 2014, la publication qui sort ces jours en accès libre, intitulée Lone Parenthood in the Life Course, réunit 15 chapitres qui multiplient les points de vue sur la monoparentalité et offrent une vision comparative et interdisciplinaire de ce phénomène devenu si courant en ce début de 21e siècle.

Le livre édité par Laura Bernardi, professeure à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne et vice-directrice du PRN LIVES, et Dimitri Mortelmans, professeur de sociologie à l’Université d’Anvers, dépeint la multiplicité des situations de monoparentalité dans divers pays et s’intéresse à la complexité de ces familles sous plusieurs angles : accès au travail et aux prestations sociales, santé, bien-être, représentations, capital social, etc.

« L’hétérogénéité croissante des foyers monoparentaux n’a pas encore été assez soulignée dans la littérature scientifique », estime la Prof. Bernardi. En trois décennies, leurs profils se sont en effet diversifiés. Autrefois, la monoparentalité concernait principalement des personnes veuves et plus rarement des « filles-mères » réprouvées. Aujourd’hui, elle touche une population beaucoup plus étendue, principalement des femmes divorcées ou séparées. Mais la durée moyenne de l’état de monoparentalité a nettement diminué, en raison d’un très fort taux de remise en couple après quelques années en solo. A quoi s’ajoutent des situations de plus en plus courantes de garde alternée.

Appréhender la complexité des formes familiales

« Ces changements rendent difficile la définition de la monoparentalité dans des frontières précises. Les critères sociodémographiques et administratifs ne se recoupent pas toujours, et correspondent parfois très peu aux dynamiques résidentielles des enfants ou à l’expérience réelle des parents », explique Laura Bernardi.

Par exemple, une mère seule avec ses enfants qui emménage avec un nouveau partenaire ne reste pas toujours considérée comme un foyer monoparental, selon les institutions. Pourtant, la plupart du temps la monoparentalité ne prend pas fin avec la formation d’un nouveau couple, même si le parent ne vit plus seul avec ses enfants : « Les obligations légales continuent de reposer sur le parent gardien, tandis que des points de vue économique et affectif, tout dépend par contre de l’implication du nouveau partenaire auprès de l’enfant », souligne Laura Bernardi.

Selon la chercheuse, les données administratives et celles récoltées par les enquêtes scientifiques devraient fournir plus de détails sur les conditions de vie concrètes des enfants et permettre de mieux savoir qui s’occupe d’eux, pendant combien de temps, et comment sont pris en charge les différents frais.

En Suisse et ailleurs

L’introduction du livre apporte une revue des dernières recherches sur la monoparentalité en lien avec diverses dimensions du parcours de vie, et réunit plusieurs sets de données pour présenter un panorama de l’évolution des situations de monoparentalité depuis les années 1960 dans une vingtaine de pays, dont la Suisse, la Russie, les Etats-Unis et plusieurs Etats européens.

Les chapitres suivants développent plusieurs thématiques dans différents contextes nationaux. Celui sur la Suisse, rédigé par Laura Bernardi et Ornella Larenza, rend compte d’une étude qualitative menée auprès de 40 monoparents dans les cantons de Genève et Vaud. Il montre que la transition à la monoparentalité est souvent un processus non-linéaire et progressif, dont le début et même parfois la fin sont difficiles à dater exactement par les personnes concernées, qui expriment de fortes ambivalences dans leurs relations avec leur(s) (ex-)partenaire(s) et face à leur situation familiale.

Dans un paysage de plus en plus courant de familles non traditionnelles, délimiter les frontières de la monoparentalité est-il alors vraiment utile ? Oui, estime Laura Bernardi : « Parce que si le besoin d’une définition précise de la monoparentalité peut être questionné dans ce contexte d’arrangements transitoires, le besoin demeure de savoir qui est légalement et pratiquement responsable des enfants. » Par contre, la chercheuse estime que les politiques devraient « repenser les droits et les devoirs des parents dans un cadre élargi de configurations familiales complexes, plutôt que de classer les monoparents comme une population homogène de gens dans le besoin. »

Monoparentalité et précarité

Mais l’étendue du phénomène ne doit pas non plus occulter le fait que les familles monoparentales restent une catégorie plus susceptible de connaître la précarité. Plus précisément, les risques apparaissent surtout quand plusieurs facteurs se cumulent : jeunesse de la mère, manque de formation, chômage, problèmes de santé. La monoparentalité est ainsi à l’intersection des inégalités de genre et de classe, rendues plus sensibles encore par les structures sociales.

Un chapitre montre ainsi que les pays les moins avancés en matière d’égalité homme-femme sont également ceux où les taux de pauvreté des mères seules sont les plus élevés. La faible intégration des femmes au marché du travail et la difficulté à concilier emploi et vie de famille augmentent significativement le risque de devoir recourir à l’aide sociale.

Pourtant la recherche indique que les mères seules qui travaillent ont un meilleur niveau de bien-être, sont plus heureuses, moins stressées et en meilleure santé que celles qui s’occupent de leurs enfants à plein temps, comme l’a par exemple démontré Emanuela Struffolino, une des auteures du livre, dans un autre article publié en 2016 avec Laura Bernardi et Marieke Voorpostel sur la base de données du Panel suisse de ménages1.

Pour des politiques universalistes

Un des constats du livre est que les politiques sociales ciblant spécifiquement les monoparents en tant que groupe homogène fonctionnent moins bien que les mesures universelles. Les mesures ciblées de manière simpliste peuvent même s’avérer contre-productives et risquent de dissuader les monoparents de travailler ou de se remettre en couple, avertit Laura Bernardi.

Selon elle, « mettre en œuvre des politiques garantissant l’équilibre travail-famille pour tous les parents aurait de meilleurs résultats pour réduire la pauvreté et les risques en matière de santé que des mesures ciblées et stigmatisantes. »

Et puisque la monoparentalité est finalement avant tout un risque pour les très jeunes femmes sans qualifications, Laura Bernardi estime qu’une piste importante d’amélioration réside dans la promotion de possibilités de formations pour tous, à tout âge, et quel que soit le statut parental. « La transition de l’école au travail devrait être flexible et permettre aux jeunes mères de développer des compétences professionnelles de manière à prévenir la spirale négative des désavantages. »

>> Laura Bernardi & Dimitri Mortelmans (eds.) (2017). Lone Parenthood in the Life Course. Dordrecht, The Netherlands: Springer, Life Course Research and Social Policies, Vol. 8.

  • 1. Struffolino E., Bernardi L., Voorpostel M. (2016) Self-reported Health among Lone Mothers in Switzerland:Do Employment and Education Matter? Population-E, 71 (2) pp. 187-214. DOI: 10.3917/pope.1602.0187. Winner of the Population Young Author Prize 2016.
Photo Hugues Siegenthaler © LIVES

Les personnes à l’aide sociale ne sont pas forcément perdues pour le marché de l’emploi

Une équipe de chercheurs de l’Université de Lausanne a évalué un projet pilote du Canton de Vaud et de la Ville de Lausanne visant à mieux accompagner des demandeurs d’emploi marginalisés. Accueillis au sein d’une Unité commune réunissant des conseillers en placement et des assistants sociaux, les bénéficiaires ont été plus nombreux à sortir de l’assistance grâce à l’emploi que les personnes prises en charge uniquement par l’aide sociale.

Dirigé par le Prof. Giuliano Bonoli, un mandat d’évaluation réalisé pour le compte du Canton de Vaud sur la base d’une expérience menée conjointement avec la Ville de Lausanne a permis de confirmer une intuition déjà en germe depuis quelques années : une bonne partie des personnes dépendant du Revenu d’insertion (RI) peuvent retrouver du travail si elles sont mieux accompagnées vers cet objectif. Cela a un coût en terme d’encadrement supplémentaire, mais il est compensé par les économies réalisées sur les prestations financières versées aux bénéficiaires.

Pour réaliser ce mandat, Giuliano Bonoli, spécialiste des politiques sociales à l’IDHEAP, s’est adjoint le soutien de ses collègues Rafael Lalive, économiste à HEC, et de Daniel Oesch, sociologue à la Faculté des sciences sociales et politiques (SSP), tous étant membres du même projet (IP204) au sein du Pôle de recherche national LIVES. Deux jeunes chercheurs et une chercheuse, Maurizio Bigotta, Lionel Cottier et Flavia Fossati, complétaient l’équipe.

Le projet pilote audité a été lancé en février 2015 avec le soutien du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Il s’agit d’une Unité commune créée en Ville de Lausanne afin de permettre une coordination étroite entre des conseillers de l’Office régional de placement (ORP) et des assistants sociaux du Centre social régional (CSR) chargés de délivrer les prestations du RI. Dans cette Unité toujours active, sept conseillers en placements suivent en moyenne 65 dossiers, soit la moitié que dans un ORP classique, et sont soutenus dans leur travail par quatre assistants sociaux.

1200 cas comparés à un groupe de contrôle

L’étude a porté sur les vingt-deux premiers mois de l’expérience, pendant laquelle les nouveaux dossiers de demande d’aide sociale ont été attribués un jour sur deux à l’Unité commune, alors que les autres cas étaient traités de manière usuelle afin de constituer un groupe de contrôle. Près de 1200 personnes ont ainsi bénéficié d’un suivi plus serré en matière de recherche d’emploi dans le cadre de cette expérience.

La comparaison entre les deux groupes, utilisant trois bases de données, a montré que « les bénéficiaires pris en charge par l’Unité sont sortis plus souvent du RI pour une prise d’emploi et ont donné lieu à des dépenses inférieures pendant la période d’observation », indique le rapport du Prof. Bonoli.

A la fin de la durée d’observation, 52% des bénéficiaires de l’Unité avaient trouvé du travail contre 43% dans le groupe de contrôle. Ces prises d’emploi ont également été plus stables du côté des individus passés par l’Unité : 70% d’entre eux ne sont pas réinscrits au chômage au cours de la période étudiée, contre 58% parmi le groupe de contrôle.

Rapport coûts-bénéfices

Ces bons résultats ont permis de réaliser une économie de 11% sur les prestations financières versées aux bénéficiaires, qui ont ainsi coûté 107 francs de moins par mois en moyenne dans l’Unité que dans le groupe de contrôle. Cela correspond à peu près au coût supplémentaire de 108 francs mensuels par bénéficiaire généré par le taux d’encadrement renforcé des conseillers en placement au sein de l’Unité. Sur vingt-deux mois, l’opération a donc été neutre au plan des coûts.

L’évaluation montre aussi que l’Unité a appliqué plus de sanctions à l’encontre des personnes peu coopératives que le CSR vis à vis du groupe de contrôle. Selon le rapport, « la littérature spécialisée est assez unanime pour identifier le recours à des sanctions comme un levier important de la réinsertion professionnelle ».

Plus grande satisfaction

Le rapport indique, sur la base d’une enquête menée auprès d’une partie des bénéficiaires des deux systèmes, que les personnes prises en charge par l’Unité ont exprimé une plus grande satisfaction et ont été plus nombreuses à recevoir des propositions de poste que les personnes issues du groupe de contrôle.

Le personnel de l’Unité a jugé la collaboration entre conseillers en placement et assistants sociaux très positive. « Beaucoup avaient peur de ce mariage forcé », explique Giuliano Bonoli. « Cela a permis de laisser tomber beaucoup de préjugés d’un métier sur l’autre », estime quant à lui le responsable de l’Unité commune, Florent Grin.

« Une des clés du succès »

Dans leurs conclusions, les chercheurs mentionnent que les résultats du projet pilote concordent avec des expériences similaires menées aux Etats-Unis et en Allemagne. Ils estiment que le taux élevé d’encadrement des conseillers en placement est « probablement une des clés du succès de l’expérience », tout en suggérant qu’une légère réduction de ce taux serait souhaitable pour améliorer le rapport coûts-bénéfices, d’autant plus que certains conseillers en placement ont avoué se sentir trop peu occupés.

Les chercheurs ajoutent que le taux d’encadrement des assistants sociaux, par contre, pourrait être revu à la hausse afin d’accélérer la prise en charge, ou que dans le cas contraire les attentes envers le personnel social devrait être réduites.

Un projet à suivre

Dans cet esprit, les auteurs du rapport recommandent entre autres de limiter l’action de l’Unité à une durée plus restreinte. Les analyses montrent en effet que la plupart des reprises d’emploi ont lieu au cours des 14 à 16 premiers mois de prise en charge. « Ce public n’est pas perdu pour toujours pour le marché du travail, mais ses chances sont également limitées par ce même marché du travail », a déclaré Giuliano Bonoli lors d’une rencontre récente avec des travailleurs sociaux dans le cadre du Colloque Pauvreté à Lausanne.

Le Canton de Vaud a annoncé le jour de la diffusion du rapport que le projet d'Unité commune serait étendu progressivement à d'autres parties du canton.

>> Communiqué de l’Etat de Vaud

>> Rapport d'évaluation

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Les revenus des super-riches ne cessent d’augmenter en Suisse

Au cours des vingt dernières années, le top 1% des plus gros contribuables de Suisse ont vu leurs revenus nettement augmenter malgré la crise financière internationale. La probabilité pour cette minorité de maintenir leurs revenus d’une année à l’autre est restée constamment haute. C’est ce que montre l’article d’Isabel Martinez dans le 11e numéro de la revue Social Change in Switzerland.

L’augmentation des revenus est particulièrement importante parmi les super riches : les 450 contribuables les plus fortunés (le top 0.01%) ont vu leur part du revenu global en Suisse quasiment doubler depuis les années 1980. La crise de 2008 n’a presque pas freiné cette tendance haussière, observée également au niveau international, en particulier aux Etats-Unis.

Peu d'études ont été effectuées jusqu’à présent sur la durée pendant laquelle les personnes détenant les plus hauts revenus conservent leur position. A l’aide de données de l’AVS, Isabel Martinez observe que environ 80% des personnes les plus riches se retrouvent également l’année suivante dans le même groupe de revenu. Après cinq ans, ils sont toujours 60% dans cette situation. Ces chiffres sont étonammant stables depuis 1981. « La hausse observée des inégalités n'a donc pas été compensée par une plus grande mobilité des revenus », conclut la chercheuse. Des mesures courantes d’inégalité, telles que le Gini-Index, qui prend en compte le revenu de tous les contributeurs de l’AVS, confirment ce constat.

L’étude d’Isabel Martinez permet en outre de mieux comprendre qui sont les personnes qui gagnent le mieux en Suisse. Les contribuables nés à l'étranger représentent environ un tiers du premier centile des plus hauts revenus. Les femmes, en revanche, sont fortement sous-représentées dans le premier centile, avec moins de 10% alors qu’elles composent 46% de la population active.

>> Isabel Martinez (2017). Les hauts revenus en Suisse depuis 1980: répartition et mobilité. Social Change in Switzerland No 11. Retrieved from www.socialchangeswitzerland.ch

Contact : Isabel Martinez, isabel.martinez@unisg.ch, +41 79 560 27 26

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

Le Pôle de recherche national LIVES soutient le symposium des 75 ans de Caritas-Genève

Le Pôle de recherche national LIVES soutient le symposium des 75 ans de Caritas-Genève

Organisé le 7 novembre 2017 par Caritas-Genève en partenariat avec la Haute école de travail social et l'Université de Genève et avec le soutien du PRN LIVES, ce symposium est ouvert au grand public, mais intéressera particulièrement les personnes concernées par la pauvreté, les professionnels, les étudiants et les acteurs politiques. Plusieurs membres du PRN LIVES s'y exprimeront sur le thème de la vulnérabilité.

Le droit à un minimum vital constitue une conquête. Il assure diverses formes de recours et s’inscrit dans le cadre d’un système de protection sociale qui devrait permettre aux personnes en difficultés de rebondir. Or ce système, de plus en plus sollicité jusque dans son dernier maillon, l’assistance, suscite de nombreuses interrogations. Certains le remettent en cause sans pour autant envisager d’alternatives crédibles.

Ce symposium vise à remettre au premier plan les enjeux de la lutte pour une reconnaissance de la dignité humaine pour toutes et tous en prenant en compte cette donnée fondamentale qu'est notre vulnérabilité. Un nouveau paradigme peut-il être envisagé, dans une perspective humaniste, à partir de l'expertise des personnes concernées et des personnes qui les accompagnent?

>> Programme et inscriptions

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En Suisse, la part des mères qui travaillent a triplé depuis les années 1980

Le 10e numéro de la série Social Change in Switzerland est consacré à l’évolution de l’activité professionnelle des mères d’enfant(s) d’âge préscolaire au cours des quatre dernières décennies. L’article de Francesco Giudici et Reto Schumacher analyse la situation de ces femmes en fonction de caractéristiques individuelles comme le nombre d’enfants, le niveau de formation, la nationalité et l’état civil. Il montre que le travail à temps partiel s’est généralisé, alors que le modèle de la mère au foyer, qui prévalait encore dans les années 1980, est devenu minoritaire.

Dans l’article « Le travail des mères en Suisse : évolution et déterminants individuels », Francesco Giudici et Reto Schumacher fondent leur étude sur les recensements fédéraux de la population de 1980, 1990 et 2000 ainsi que sur le relevé structurel 2010-2014. Ils montrent que la présence sur le marché de l’emploi des mères en couple avec enfant de moins de 4 ans a presque triplé depuis 1980, avec de fortes différences régionales et sociodémographiques. Les cantons romands ont enregistré les plus grandes hausses. Le Valais, par exemple, a vu le nombre d’actives parmi les jeunes mères passer de 18% dans les années 1980 à 69% en 2010-2014.

Quatre déterminants individuels sont passés à la loupe. La taille de la famille tout d’abord : de nos jours, plus une mère a d’enfants, moins elle travaille. Dans le passé, la petite proportion de femmes qui travaillaient étaient beaucoup moins conditionnées par le nombre de leurs enfants. Le niveau de formation ensuite : les femmes au bénéfice d’une formation tertiaire sont plus souvent actives, aujourd’hui comme dans les années 80. Cependant, les différences d’engagement professionnel selon le niveau socio-éducatif tendent à s’atténuer, sauf pour les femmes moins qualifiées que leur conjoint. Pour ces deux caractéristiques - taille de la famille et niveau de formation, les auteurs estiment que le calcul coût-bénéfice des structures de garde, devenues plus courantes, joue un rôle important dans la décision de travailler ou pas.

Autres caractéristiques individuelles : la nationalité et l’état civil. Francesco Giudici et Reto Schumacher observent une inversion entre actives suisses et étrangères : dans les années 1980, les mères suisses en couple avec enfant de moins de 4 ans travaillaient beaucoup moins que les étrangères dans la même situation familiale, alors que de nos jours ce sont ces dernières qui sont proportionnellement moins insérées sur le marché de l’emploi. Selon les auteurs, « s’il est possible que la recomposition de la population étrangère par nationalité a joué un rôle, on peut aussi y voir la fin du modèle familial bourgeois chez les couples suisses ». Cette progression de l’égalité entre époux se constate également en comparant les situations professionnelles des femmes mariées et non mariées : les mères vivant en union libre gardent un taux d’activité plus élevé que les mères mariées, mais la différence s’est largement atténuée, passant de plus de 50% en 1990 à moins de 10% en 2010-2014.

>> Francesco Giudici et Reto Schumacher (2017). Le travail des mères en Suisse : évolution et déterminants individuels. Social Change in Switzerland No 10. Retrieved from www.socialchangeswitzerland.ch

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La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

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Le prix LIVES pour jeunes chercheurs attribué à un papier sur la transition à la vie active

Le lauréat du « LIVES Best Paper Award for Early Scholars » est le Dr Christian Brzinsky-Fay, de WZB Berlin. En récompense, celui-ci a reçu 2 000 euros lors de l'ouverture de la conférence annuelle de la Society for Longitudinal and Life Course Studies (SLLS), le 11 octobre 2017 à Stirling. Son article, publié dans la revue Research in Social Stratification and Mobility, démontre que les systèmes de formation duale, répandus en Allemagne et en Suisse, facilitent la réussite professionnelle pour toutes les cohortes analysées, quelles que soient les conditions du marché du travail. Il met toutefois en lumière des inégalités de genre.

Les travaux de Christian Brzinsky-Fay portent sur la transition de l'école à la vie active de cinq cohortes de résidents allemands nés entre 1948 et 1977. Le chercheur s'attache plus particulièrement aux aspects non linéaires de la transition, lorsque les personnes n'entrent pas directement sur le marché du travail après leur formation ou passent par divers statuts avant leur premier emploi. Né en 1972, il est lui-même retourné sur les bancs de l'université à 25 ans et a obtenu son doctorat à 39 ans. Existerait-t-il un lien entre son propre parcours de vie et le sujet de sa recherche?

Absolument, confirme-t-il: «Entre mon baccalauréat et mes 25 ans, j'ai en effet endossé divers statuts: travailleur indépendant (cours privés, sondage téléphonique), étudiant (j'ai essayé la chimie et la biologie), travail en entreprise (Siemens). Malgré le côté instable et erratique de cette période, elle a été très importante pour moi parce qu'elle m'a permis d'engranger toutes sortes de qualifications informelles et de compétences personnelles. Alors oui, je pense que mes propres expériences sont en partie à l'origine de mon intérêt pour la transition à l’emploi.»

Sa trajectoire personnelle lui a permis de concourir pour le LIVES Best Paper Award for Early Scholars, distinction réservée aux chercheurs titulaires d’un doctorat depuis moins de sept ans. Au total, 55 auteurs originaires de 15 pays ont proposé leur publication pour cette deuxième édition du prix, parmi lesquels seulement deux membres ou ex-membres de LIVES, dans une compétition très serrée. Christian Brzinsky-Fay a finalement obtenu les meilleures scores pour la centralité de son étude dans la perspective du parcours de vie, poursa grande pertinence scientifique et pour sa maîtrise des méthodes employées.

Démocratisation de l'enseignement

Utilisant des données sur les adultes issues du German National Education Panel Study (NEPS) et la méthode innovante de l'analyse de séquence, Christian Brzinsky-Fay examine les entrées sur le marché du travail non pas comme des événements isolés, mais comme des résultats de trajectoires. Il observe les variations au sein des cohortes et entre les cohortes, toutes marquées par le développement de l'enseignement général qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, mais soumises à différents contextes macroéconomiques. Cette approche lui permet d'étudier si le système de formation duale, généralement considéré comme générateur de moins de chômage pour les jeunes adultes, est aussi lié à une moindre instabilité et à une meilleure intégration professionnelle quelle que soit la période, y compris lorsque les perspectives d'emploi sont moins réjouissantes.

Les résultats montrent que la proportion de jeunes adultes vivant des transitions en douceur augmente au fil des cohortes, essentiellement grâce à leur présence croissante dans les filières d'enseignement secondaire avant leur formation professionnelle. Bien qu'elles aient été les plus nombreuses et qu'elles aient connu les conditions les plus difficiles sur le marché du travail à la fin de leur période d'enseignement obligatoire, les cohortes de 1965 et de 1970 ont affiché les plus faibles taux de transitions non linéaires de l'école à la vie active. Le groupe marqué par l'instabilité, quoique décroissant, a connu au fil du temps un plus grand nombre de statuts divers, signe d'une non-linéarité accrue au sein de cette minorité «instable». Sur l'ensemble des cohortes, 13% des hommes et 25% des femmes ont connu un grand nombre de statuts, 44% étant titulaires d'un diplôme d'études secondaires.

Ascension sociale freinée chez les femmes

Une des originalités de l’article de Christian Brzinsky-Fay est de tenir compte non seulement de la première entrée sur le marché du travail, mais également de la situation de tous les individus à l'âge de 30 ans. Cela permet au chercheur d'observer si les différents types de trajectoires ont un impact durable sur la situation professionnelle, une fois atteint ce qui est généralement considéré comme l'entrée définitive dans l'âge d'adulte. La publication révèle que de nos jours, les hommes réussissent à compenser la durée normalement plus longue de leur formation et affichent une importante mobilité ascensionnelle: dans les cohortes les plus récentes, les hommes atteignent leurs objectifs professionnels et socioéconomiques sans retard par rapport à ceux de la cohorte de 1950. En revanche, pour les femmes ayant fait des études supérieures, une fois atteint l'âge dit normal de l'entrée dans la vie d'adulte, les conditions sont plus difficiles, car elles risquent davantage de ne pas obtenir les postes qu'elles mériteraient en fonction de leur niveau de formation. La mobilité ascensionnelle observée entre le premier emploi et l'âge de 30 ans est beaucoup moins marquée chez les femmes, et cela dans l'ensemble des cohortes.

Christian Brzinsky-Fay conclut son article en incitant à porter «davantage d'attention aux inégalités entre les sexes». Son analyse montre néanmoins clairement «les atouts des systèmes d'enseignement supérieur secondaire professionnel». Il peut quant à lui s'enorgueillir d'être allé plus loin dans sa propre formation. Ce prix le récompense pour ses recherches sur un sujet crucial de l'étude des parcours de vie, et nous l'en félicitons!

>> Brzinsky-Fay, Christian & Solga, Heike (2016): Compressed, Postponed, or Disadvantaged? School-to-Work-Transition Patterns and Early Occupational Attainment in West GermanyResearch in Social Stratification and Mobility, Vol. 46, Part A, pp. 21-36.

Photo Hugues Siegenthaler
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Forte affluence au Colloque Pauvreté, rencontre entre terrain et recherche

Environ 200 personnes, pour la plupart actives dans le travail social, ont participé les 5 et 6 octobre 2017 à la quatrième édition du Colloque Pauvreté à l’Université de Lausanne. Intitulé « Pauvreté et intervention sociale : un accompagnement impossible ? », cet événement a proposé pendant deux jours 8 conférences et 13 ateliers, et surtout une formidable plateforme d’échanges informels entre professionnel·le·s engagés dans diverses formes d’action et chercheur·e·s travaillant sur les politiques sociales.

Les travailleuses et travailleurs sociaux d’une multitude d’institutions publiques et privées de plusieurs cantons romands ont été très nombreux à participer pendant ces deux jours au Colloque Pauvreté, dont la dernière édition avait eu lieu en 2014 et la première en 2010.

Organisé par le Département vaudois de la santé et de l’action sociale (DSAS), l’Institut des sciences sociales (ISS) et l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne, en collaboration avec la Haute école de travail social et de la santé (EESP Lausanne / HES-SO), le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS et le Pôle de recherche national LIVES, cette quatrième édition était centrée sur les processus et les acteurs impliqués dans l’assistance aux bénéficiaires.

Les intervenants ont apporté des éclairages différents sur la thématique de l’intervention sociale, selon leur profil et leur expérience. L’intérêt de ce colloque est justement de faire dialoguer plusieurs perspectives sur un sujet d’intérêt commun : la lutte contre la pauvreté.

Vice-recteur de l’Université de Lausanne, Giorgio Zanetti a accueilli la manifestation en soulignant que 14% de la population vaudoise était exposée au risque de pauvreté, un chiffre transposable au niveau suisse. La rectrice de la HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale, Luciana Vaccaro, était également présente à l’ouverture pour soutenir l’événement et a déclaré que « les travailleurs sociaux et les chercheurs maintiennent le lien social dans un contexte de tension continue. »

Les conférences plénières ont abordé la question de l’accompagnement des populations précaires sous plusieurs angles.

Emilie Graf, co-secrétaire générale d’Avenir social, association suisse des travailleurs et travailleuses sociales, a décrit une profession en pleine mutation, de plus en plus tiraillée entre des impératifs de résultats et la précarisation croissante des bénéficiaires, dans un contexte de méfiance généralisée envers les personnes assistées. « Quand on attaque les pauvres, on attaque souvent aussi les travailleurs sociaux », a-t-elle déclaré, appelant à une professionnalisation nécessaire des acteurs et une meilleure visibilité de leur travail, et rappelant que 25 à 30% des personnes à l’aide sociale en sortent au bout d’une année.

Anne Perriard, maître assistante à l’Université de Genève et auteure d’une thèse réalisée dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES, a quant à elle déconstruit les normes d’âge qui sont à l’œuvre dans l’application des politiques sociales. Montrant que certaines dépendances financières étatiques paraissent plus problématiques que d’autres en fonction de ces normes d’âge, elle a remis en question le mythe de l’indépendance totale et montré que « la catégorisation par âge rend invisible d’autres systèmes d’inégalité comme le genre, la classe ou l’ethnicité ».

D’autres conférences ont été délivrées soit par des responsables d’institutions publiques, comme Yasmine Praz Dessimoz, directrice de l’action sociale à l’Hospice général de Genève, ou Ludwig Gärtner, vice-directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), soit par des orateurs issus du monde académique, comme Vincent Dubois, professeur à l’Université de Strasbourg, et Véréna Keller, professeure honoraire de la HES-SO.

Le cas du canton de Vaud a été très présent, avec la présentation du récent Rapport social vaudois par Caroline Knupfer, secrétaire générale adjointe au DSAS, et Judith Kühr, responsable de recherche dans le même département, qui ont appelé à privilégier « un regard global sur la pauvreté », prenant en compte les causes structurelles et les caractéristiques individuelles des personnes à assister.

Le conseiller d’Etat en charge du DSAS, Pierre-Yves Maillard, a défendu l’action du canton, évoquant la forte croissance des dispositifs d’aide au cours des deux dernières législatures et affirmant que « si cette politique sociale ne se fait pas, on creuse encore plus les inégalités ».

Les treize ateliers ont été l’occasion de réfléchir plus en détail aux différentes stratégies d’intervention sociale en fonction des divers types de bénéficiaires. Animés par des binômes de représentant·e·s de la recherche et du terrain social, ils ont permis aux participant·e·s de prendre du recul sur leur pratique, d’exposer leurs difficultés, et surtout de développer leur réseau. Cette dimension est en effet plus importante que jamais dans le travail social, soumis à une complexification des dossiers, des procédures et des acteurs.

Le baby-boom, apogée de la mère au foyer, décrypté dans une thèse alliant analyses macro et micro

Le baby-boom, apogée de la mère au foyer, décrypté dans une thèse alliant analyses macro et micro

Aline Duvoisin a soutenu avec brio le 12 septembre 2017 sa thèse sur les parcours de vie de femmes en âge de procréer entre les années 1940 et 1965. Elle brosse un tableau détaillé d’un phénomène démographique majeur encore mal compris grâce à une approche faisant la part belle aux témoignages pour compléter l’analyse statistique. Sa recherche donne à voir une époque où tout poussait les femmes au mariage. Ou plutôt la fin d’une époque…

« Phénomène international, totalement imprévu, au caractère unique et bouleversant », le baby-boom a suscité de nombreuses interprétations sans obtenir de consensus sur ses causes réelles. La thèse d’Aline Duvoisin permet d’aller plus loin que les théories habituelles, souvent fondées sur une perspective essentiellement économique, et de mieux comprendre cette époque particulière dans le contexte suisse.

Assistante à l’Université de Genève, basée au Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités (CIGEV) et membre du Pôle de recherche national LIVES, Aline Duvoisin montre que cette période a été caractérisée par un net abaissement de l’âge au mariage et la généralisation du modèle bourgeois de la famille « propre en ordre ».

Socialisées dans les années de l’entre-deux guerres, les femmes ont été imprégnées dans leur jeunesse par des discours familialistes prônant la distinction entre rôles féminins et masculins et l’incompatibilité entre emploi et parentalité. Ces normes ont été véhiculées à tous les niveaux de la société : famille, école, églises, mouvements de jeunesse, institutions sociales et politiques, législation et culture de masse ont contribué à forger l’idéal de la femme au foyer, « gardienne des mœurs » respectable et respectée.

Méthode mixte

La recherche d’Aline Duvoisin a fait l’effet d’une « véritable révélation », comme l’a décrit un des membres de son jury de thèse, en justifiant les avantages à utiliser une « approche biographique mixte » combinant données quantitatives et qualitatives.

Sa thèse, basée en grande partie sur l’enquête Vivre/Leben/Vivere (VLV), analyse les trajectoires de 1184 femmes nées entre 1910 et 1941 et vivant dans cinq cantons suisses aux caractéristiques bien distinctes (Genève, Berne, Bâle, Valais, Tessin). Pour chacune de ces régions, la chercheuse a pu bénéficier des retranscriptions d’entretiens semi-directifs menés par Sylvie Burgnard.

Plusieurs types de trajectoires se distinguent, selon que les femmes ont été mariées ou non, avec ou sans enfants, et en fonction d’autres traits comme la trajectoire professionnelle, le contexte rural ou urbain, ou encore la religiosité.

76% des femmes mariées de l’échantillon ont eu au moins deux enfants, le pic de 2.68 enfants par femme ayant été atteint en 1964. Les mères de trois enfants et plus ont été les principales contributrices du baby-boom – les femmes croyantes et celles vivant à la campagne étant sans surprise les plus concernées.

Mieux instruites que les générations précédentes, les cohortes observées ont souvent dépassé le niveau primaire mais leur formation est restée néanmoins très genrée, avec la multiplication des études « ménagères », suivies dans la plupart des cas d’un retrait rapide du monde du travail après le mariage.

Intériorisation des normes

Les témoignages permettent de comprendre comment ces femmes ont intériorisé les normes en vigueur. « J'ai toujours tout fait bien juste », explique ainsi une répondante en racontant son parcours d’épouse et de mère de quatre enfants. « Quand je suis arrivée ici, je trouvais que les femmes étaient arriérées », se souvient cette autre, ayant grandi à l’étranger avant de s’établir en Valais.

« Chacune de ces femmes a connu, à un moment ou un autre de son parcours de vie, un événement leur rappelant quelle place elles devaient tenir dans la société », constate Aline Duvoisin.

Elle observe que les pressions normatives ressenties comme les plus violentes par les cohortes étudiées se sont surtout exercées sur leur trajectoire matrimoniale. L’infécondité était mieux acceptée que la fécondité « désordonnée ». Ne pas avoir d’enfant représentait ainsi un écart « moins grave » que le non-respect des normes de conjugalité.

On perçoit également qu’un nombre important de mères de familles nombreuses ont assumé des enfants non désirés, ou en tout cas non planifiés, faute d'information contraceptive efficace ou en raison de positions conservatrices.

Des pionnières malgré tout

Cette thèse montre enfin qu’une part importante de femmes ont repris néanmoins une activité professionnelle une fois les enfants plus âgés. « L’idéal d’épouse au foyer a évolué vers un idéal de mère au foyer qui a profondément marqué la Suisse et les Suissesses durant la seconde moitié du 20e siècle », estime Aline Duvoisin.

Pour la chercheuse, les mères des baby-boomers « ont été les initiatrices de dynamiques que leurs filles ont consolidées et normalisées ensuite, en l’occurrence ici le retour des femmes sur le marché du travail. » A temps partiel, s’entend, indiquant une évolution progressive des comportements plus qu’une rupture nette entre la période du baby-boom et la chute de la natalité qui a suivi depuis les années 70.

>> Aline Duvoisin (2017). Les origines du baby-boom en Suisse : une approche biographique des cohortes féminines (1910-1941). Sous la direction de Michel Oris. Université de Genève.

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C’est dans les grands tournants et les moments de transition que la vulnérabilité est la plus manifeste

Deux thèses récentes défendues à l’Université de Lausanne dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES utilisent des données du Panel suisse de ménages pour observer le déroulement d’événements critiques comme l’entrée dans l’âge adulte, la naissance d’un enfant ou un épisode de chômage. Les recherches de Florence Rossignon et Matteo Antonini mettent ainsi en lumière l’imbrication des caractéristiques individuelles et du contexte structurel, que seul un suivi longitudinal dans le temps permet vraiment de révéler de manière quantitative grâce à des méthodes innovantes. Ce faisant, ces études apportent quelques surprises notables.

« The road to adulthood is long and winding, and it does not come to an end until the late twenties. » (Le chemin vers l’âge adulte est long et tourmenté ; il n’atteint sa destination que vers la fin de la vingtaine.) Cette phrase de Florence Rossignon à la page 54 de son mémoire de thèse, tout en partant d’un constat scientifique, est poétique à plus d’un titre. Ecrite par une jeune doctorante, elle peut également se lire comme une métaphore de sa propre métamorphose, au terme de quatre ans de recherches. Soutenue le 22 août 2017, sa thèse est la toute première à exploiter les données du sur-échantillonnage « LIVES Cohort » concernant des jeunes nés entre 1988 et 1997, dont trois quarts de « secondos », faisant partie du troisième échantillon du Panel suisse de ménages, une enquête menée annuellement depuis 2013 par le Centre de compétence suisse en sciences sociales FORS en collaboration avec le PRN LIVES.

Florence Rossignon s’est intéressée à deux événements marquants du passage à l’âge adulte : le départ du domicile parental et l’entrée sur le marché de l’emploi. Combinant pour la première fois deux méthodes jusqu’ici diamétralement distinctes, l’analyse de séquence et l’analyse de survie, sa thèse montre notamment que les jeunes dont les parents sont séparés ont une probabilité plus élevée de quitter le foyer familial – à chacun des âges observés – que les jeunes dont le couple parental est toujours uni.

Les secondos d’Ex-Yougoslavie bien intégrés

En ce qui concerne l’intégration professionnelle, Florence Rossignon met en avant des différences marquantes selon les origines ethniques, alors que les parcours de formation ont tous eu lieu en Suisse. La deuxième génération de migrants issus d’Europe du Sud est la plus représentée au sein des emplois manuels qualifiés. Plus surprenant, les jeunes originaires des Balkans et de Turquie se démarquent par une plus forte présence dans les emplois qualifiés non manuels à la suite d’un apprentissage. Comparés aux jeunes dont les deux parents sont suisses, les secondos issus de ces pays ont également moins de risque de gagner leur vie dans un emploi non qualifié. Les jeunes dont l’intégration professionnelle est la plus difficile proviennent de familles originaires d’autres continents que l’Europe.

Un aspect particulièrement original de la thèse de Florence Rossignon est l’attention portée aux permis de séjour. Elle réussit à montrer que les jeunes ayant bénéficié lors de leur entrée dans le pays de permis temporaires ou précaires ont une plus grande probabilité que les Suisses – toutes choses étant égales par ailleurs – d’accéder à des situations socio-professionnelles plus prestigieuses, par exemple comme indépendants (« self-employed »). Cette situation pourrait s’expliquer, selon la chercheuse, par des aspirations scolaires et professionnelles plus élevées dans ces familles.

Le chômage et ses conséquences

Cette catégorie « self-employed » semble être une piste intéressante à creuser pour la recherche en sciences sociales. Elle se retrouve également dans la thèse de Matteo Antonini, soutenue le 28 août 2017, lequel a lui aussi utilisé les données du Panel suisse de ménages, mais en incluant des échantillons plus anciens de population, ici de tous âges, liés aux enquêtes démarrées en 1999 et 2004. Une partie de sa recherche a été consacrée aux trajectoires des personnes ayant passé par un ou des épisodes de chômage, l’idée étant de voir leur situation quatre ans après la perte d’emploi.

Matteo Antonini compare deux groupes : les gens qui ont connu le chômage au cours de l’enquête et ceux qui n’y ont pas été confrontés. Ses données indiquent que parmi les chômeurs, la catégorie « self-employed » augmente nettement après une période de chômage, passant de 1.6% à 6.1%. Dans le groupe de contrôle, composé de personnes n’ayant pas vécu le chômage, le nombre d’indépendants reste quant à lui assez stable, voire diminue, passant de 8.3% à 7.9% quatre ans plus tard.

Recourant lui aussi à l’analyse de séquence, le chercheur s’intéresse surtout aux personnes pour qui le chômage a les conséquences les plus graves à moyen et long terme, soit parce qu’elles n’ont toujours pas retrouvé de travail au bout des quatre ans, soit parce qu’elles ont dû se résoudre à un déclassement, ou encore parce que leur trajectoire professionnelle est marquée par une instabilité récurrente. Les étrangers et les seniors sont particulièrement marqués par le chômage de longue durée. Les femmes, elles, sont surtout touchées par le déclassement, acceptant des emplois en dessous de leurs qualifications mais qui permettent la conciliation travail-famille. Enfin les travailleurs manuels, qualifiés et non qualifiés, sont ceux qui peinent le plus à retrouver une situation stable.

En dehors de ces catégories particulièrement vulnérables, Matteo Antonini a constaté que le chômage de longue durée et l’instabilité de carrière concernent également une part significative de personnes très hautement qualifiées – peut-être parce qu’elles ne sont pas prêtes à accepter n’importe quel emploi et qu’elles ont davantage de ressources économiques et sociales pour supporter la situation relativement longtemps, avance Matteo Antonini. Il voit néanmoins dans ce phénomène un signal à ne pas négliger pour le système suisse, tant éducatif que social.

Carrières féminines et assurance maternité

Le doctorant a également consacré une partie importante de sa thèse à un autre événement, celui de l’arrivée d’un enfant. En collaboration avec Ashley Pullman, doctorante à l’University of British Columbia, il s’est penché sur l’impact de l’entrée en vigueur de l’assurance maternité sur les trajectoires professionnelles, et aboutit à un constat mitigé sur l’importance de cette réforme en Suisse pour les carrières féminines. Dans certains cas, les femmes ont même perdu en droits après l’instauration en 2005 du congé obligatoire de 16 semaines payé à 70%, par rapport à ce que certaines conventions collectives offraient auparavant. La nouvelle loi n’a dans tous les cas pas augmenté la proportion de femmes qui travaillent à plein temps. Matteo Antonini montre que la plupart des mères ont plutôt tendance à réduire leur temps de travail, parfois même avant la naissance d’un enfant.

« La réforme n’était pas assez forte pour surmonter l’inertie sociale qui maintient une certaine structure de trajectoires professionnelles », regrette le chercheur. Si l’on met cette analyse en perspective avec la thèse précédemment citée, la Suisse n’en ressort pas vraiment grandie : un des constats de Florence Rossignon est que les secondos qui ont obtenu la naturalisation ne voient pas leur parcours professionnel facilité pour autant : les individus qui deviennent suisses ont toujours moins de chances d'occuper une position supérieure que les Suisses d'origine. Leurs attentes sont plus élevées, et ils entreraient alors en compétition avec des nationaux au capital social plus étoffé, suggère la chercheuse. Dans les deux cas, les recherches des doctorants LIVES rendent visible la tension qui existe entre structure sociale et stratégies individuelles.

>> Florence Rossignon (2017). Transition to adulthood for vulnerable populations in Switzerland: When past matters. Sous la direction de Jacques-Antoine Gauthier et Jean-Marie Le Goff. Université de Lausanne.

>> Matteo Antonini (2017). The impact of critical events on work trajectories. Sous la direction de Felix Bühlmann. Université de Lausanne.

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Des recherches en psychologie tentent de saisir sur le vif l’évolution des mentalités

En ce début de 21e siècle, la famille est un creuset incontournable de changement social. Pas étonnant dès lors qu’elle se soit retrouvée au cœur de plusieurs communications dans le cadre du 15e Congrès de la Société suisse de psychologie, les 4 et 5 septembre 2017 à l’Université de Lausanne, où le Pôle de recherche national LIVES a apporté de nombreuses contributions sur la qualité des relations, le bien-être et les normes en matière de famille moderne.

Les attitudes et opinions concernant la famille changent à une vitesse vertigineuse depuis quelques années, et la recherche s’y intéresse évidemment dans toutes sortes de disciplines des sciences sociales. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne la psychologie, qui a toujours accordé une place prioritaire aux relations familiales. Parmi les nombreux sujets abordés cette année par le Congrès de la société suisse de psychologie, la structure familiale a donc eu comme d’habitude une place de choix. Mais ce qui frappe, c’est à quel point il y a été question de mutations.

Le premier jour, la conférence publique de la Prof. Susan Golombok, directrice du Centre for Family Research à l’Université de Cambridge, a évoqué les nombreuses craintes que suscitent tant les transformations des structures familiales que les nouvelles possibilités d’avoir des enfants. Sur la base de nombreuses recherches menées auprès de familles atypiques ou ayant bénéficié d’aide à la procréation, elle montre que le bien-être psychologique des enfants n’est pas lié aux types de parent ou de conception, mais à la qualité des relations instaurées au sein de la famille.

Qu’il s’agisse de parents de même sexe, de foyers monoparentaux ou de personnes ayant recouru à la reproduction assistée, dans tous les cas les constats scientifiques recensés par Susan Golombok vont à l’encontre des peurs formulées par les tenants de la famille traditionnelle. Sponsorisée par le Pôle de recherche national LIVES et l’Interface Science-Société de l’Université de Lausanne, la conférence de Susan Golomboka a repris de nombreux exemples tirés de son best-seller Modern families: Parents and children in new family forms, paru en 2015.

Tout au long du congrès, qui a réuni plus de 250 chercheurs et chercheuses, les membres du PRN LIVES ont présenté vingt-trois papiers, dont douze sur la base de données récoltées au sein de projets spécifiques du pôle (IP201, IP207, IP212, IP213). S’ajoutant à des questions touchant au monde du travail ou au vieillissement, le thème de la famille était particulièrement bien couvert, avec plusieurs chercheuses s’intéressant à comprendre diverses facettes de l’évolution des structures familiales.

Egalité homme-femme en progression. Et en Suisse ?

La Prof. Clémentine Rossier, démographe de la famille à l’Université de Genève et responsable de l’IP208 du PRN LIVES, a présenté une recherche menée en collaboration avec Juliette Fioretta sur le bien-être des couples avec enfants qui adoptent des pratiques et attitudes de genre progressistes.

Comparant cinq pays (Allemagne, Belgique, France, Suède et Suisse), leur étude montre que les couples dont les opinions sont les plus égalitaires ont de bien meilleurs indicateurs de bien-être, quel que soit le pays observé. Ce résultat se comprend notamment parce que les couples qui ont des idéaux plus progressistes en matière de genre sont aussi plus favorisés socialement. Lorsqu’on examine l'égalité de genre dans la pratique - ici en s'intéressant aux couples où les deux conjoints travaillent à 100% - on retrouve les mêmes résultats : les couples à double pleins temps ont généralement des meilleurs indicateurs de bien-être.

La Suisse est le seul pays, parmi les cinq observés dans cette étude, où les couples dont les deux partenaires travaillent à temps plein ressentent davantage de difficultés financières et de santé que les couples où la femme est partiellement ou totalement retirée du marché du travail. Contrairement aux autres pays, les femmes qui travaillent à 100% en Suisse y semblent contraintes pour des raisons économiques, et cela au détriment de leur bien-être, dans un contexte très peu propice à la conciliation travail-famille. Les femmes de milieux plus privilégiés, qui sont favorisées par un travail à plein temps dans les autres pays, optent massivement pour un temps partiel en Suisse, par manque de structures institutionnelles appropriées en matière de garde d’enfants.

Cette observation est confirmée par le fait que la Suisse est aussi le pays présentant la plus grande proportion d’hommes ayant réduit leur temps de travail pour s’occuper des enfants (9%). Les chercheuses en concluent que « c’est donc bien la possibilité de mener de front vie professionnelle et vie familiale qui est au cœur du problème en Suisse, et non pas l’égalité de genre en matière de représentations ou d’autres pratiques ».

Opinions individuelles et normes sociales

Ce constat d’une évolution des mentalités pas encore totalement représentée dans les faits se retrouve dans une autre étude, très originale et prometteuse, qui a été présentée par Léïla Eisner, doctorante LIVES à l’Université de Lausanne sous la direction du Prof. Dario Spini. Sur la base d’une enquête menée auprès de 1105 personnes de tous milieux dans différentes localités du canton de Vaud, la jeune chercheuse en psychologie sociale s’est intéressée aux opinions des répondant·e·s sur les mères qui travaillent et les parents de même sexe, ainsi qu’à leur perception de ce qu’en pensent les autres.

Dans le cas des mères qui travaillent, ses résultats montrent des opinions plutôt neutres, les moins favorables étant les personnes les plus âgées et les moins qualifiées. L’analyse des différences entre les opinions personnelles et la norme perçue aboutit à de très faibles écarts : en d’autres mots, peu de gens pensent que leur position est très différente de ce qui est ressenti dans l’ensemble de la société. Cela tendrait à indiquer que le droit des femmes à mener une carrière est de moins en moins objet de débat et de plus en plus entré dans les mœurs.

Homoparentalité mieux acceptée qu'on ne croit

Par contre, concernant les opinions et les normes perçues à l’endroit des parents de même sexe, les analyses de Léïla Eisner montrent de grands écarts entre les opinions personnelles et l’image que se font les répondant·e·s de l’avis des autres. Seules 40% des personnes sondées se disent personnellement opposées à l’idée de familles homoparentales. Mais près du double estiment que la plupart des gens y sont défavorables. Ce qui est significatif également, c’est que les répondant·e·s les plus hostiles aux parents gays ou lesbiennes pensent que la société dans son ensemble est de leur avis, alors que les opinions individuelles montrent le contraire et sont dans les faits bien plus progressistes.

Or les personnes qui expriment le moins de désaccord avec le fait que des couples homosexuels puissent élever des enfants se considèrent fortement en minorité par rapport à l’opinion publique, alors qu’en réalité beaucoup plus de gens pensent comme elles qu’elles ne le croient. Une analyse des caractéristiques de ce groupe avant-gardiste, se sentant isolé mais finalement assez en phase avec l’évolution de la société, montre que les femmes, les personnes jeunes, celles se situant à gauche politiquement et les moins religieuses y sont surreprésentées. Alors que les hommes, les personnes âgées, les personnes se situant à droite et les personnes croyantes ont moins tendance à différencier leur propre opinion de celle des autres, se croyant majoritaires mais porteurs dans les faits d'un courant de pensée en déclin.

Les liens affectifs avant tout

Les transformations de la famille ont encore été au centre d’autres présentations, comme celles de l’équipe de la Prof. Daniela Jopp à l'Université de Lausanne sur les relations entre parents très âgés et leurs enfants âgés, un phénomène observable grâce à l’allongement de l’espérance de vie, ou encore la présentation de Jeanette Brodbeck, chercheuse en psychologie à l’Université de Berne et membre de l’IP212 du PRN LIVES. Son équipe a observé pendant six ans comment les individus surmontent la perte d’un·e partenaire à la suite d’un deuil ou d’un divorce en deuxième partie de vie. Le papier présenté au congrès montre que les ex-conjoints qui maintiennent de bonnes relations mutuelles ont beaucoup moins de symptômes dépressifs et une meilleure satisfaction de vie, quelles que soient leur nouvelle situation maritale, leur personnalité et leur statut socio-économique.

Ce constat optimiste face à l’augmentation des divorces fait écho à un autre résultat présenté au congrès par une très jeune chercheuse de l'Université de Lausanne, Shagini Udayar, membre de l’IP207 consacré aux carrières professionnelles. Son étude, menée sous la direction du Prof. Jérôme Rossier, montre que les gens qui déclarent ressentir du soutien de la part de leur entourage deviennent progressivement plus extravertis, plus agréables et plus consciencieux, comme le montrent des mesures prises à quatre ans d’intervalle. La société et les structures familiales ont beau évoluer, les liens affectifs demeurent la première des ressources.

>> 15e Congrès de la Société suisse de psychologie

6ème Festival Suisse des méthodes qualitatives: «Éthique et recherche qualitative en sciences sociales»

La sixième édition du «Festival suisse des méthodes» se déroulera les jeudi 14 et vendredi 15 septembre à l’Université de Lausanne (quartier Mouline, bâtiment Géopolis). Selon une formule désormais bien rodée, le Festival se propose de présenter les innovations récentes dans le domaine des méthodes qualitatives et mixtes. A l’instar de l’édition de 2015, la manifestation se propose une fois encore de mettre l’accent sur une thématique particulière. Pour cette édition, ce sont les enjeux et les défis soulevés par l’éthique dans le domaine de la recherche qualitative qui seront mis en avant par le biais de 3 ateliers dédiés et lors des différentes séances en plénières.

Le Festival offre une plateforme aux chercheuses et chercheurs des sciences sociales et humaines (et spécialement aux doctorant-e-s et post-doctorant-e-s) pour échanger et connaître de nouvelles méthodes. Il vise également à réunir la communauté de recherche qualitative active en Suisse romande et se déroulera principalement en langue française. Plus concrètement, des spécialistes renommé-e-s seront à disposition pour discuter de l’application de méthodes et théories dans le cadre des ateliers de recherche prévus. Les participants qui le désirent auront ainsi l’occasion d’aborder des questions au plus proche de leurs propres préoccupations.

Le Festival est organisé conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales (FORS), des représentants des Universités de Suisse romande et du Pôle de recherche national LIVES en collaboration avec l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (ASSH) et le Réseau suisse pour la recherche sociale qualitative.

De plus, la partie thématique de cette édition est réalisée en collaboration avec Ethos, la plateforme interdisciplinaire d'éthique de l’UNIL.

Keynote:

Jean-Louis Genard (philosophe et docteur en sociologie) 

>> Liste des ateliers
>> Programme du Festival
Prix du Festival:

CHF 120.- +TVA (3 ateliers)
Ce prix contient la participation aux trois ateliers, les pauses café et 2 bons de repas et l’apéro final.

CHF 80.- + TVA (2 ateliers)
Ce prix contient la participation aux trois ateliers, les pauses café et 2 bons de repas et l’apéro final.

>> Lien vers l’inscription
Le comité du Festival:
  • Prof. Laura Bernardi
  • Prof. Claudine Burton-Jeangros
  • Prof. Esther González Martínez
  • Dr. Pablo Diaz
  • Dr. Brian Kleiner
  • François Lorétan
  • Monika Vettovaglia

Pour plus d’informations, veuillez prendre contact avec Monika Vettovaglia (FORS): Monika.Vettovaglia@fors.unil.ch

Source: http://forscenter.ch/fr/fors/linscription-est-ouverte-6eme-festival-suisse-des-methodes-qualitatives/

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En Suisse, le volume de travail par personne a chuté depuis 1950, sans ralentissement de la productivité

La semaine de cinq jours, la progression des congés payés et le développement du temps partiel ont considérablement réduit le nombre d’heures passées au travail en Suisse, montre une recherche publiée par Michael Siegenthaler dans la revue Social Change in Switzerland. Cette analyse permet de voir que contrairement à une idée reçue, les actifs en Suisse ne travaillent pas beaucoup plus en moyenne que dans d’autres pays industrialisés. Elle établit par contre que la croissance de la productivité helvétique est meilleure que ce que de précédentes études avaient avancé par manque de données chronologiques.

Au milieu du 20e siècle, un actif travaillait en moyenne près de 2400 heures par an ; en 2015, le volume annuel moyen de travail n’atteignait plus que 1500 heures par personne. Grâce à l’exploitation de relevés jusqu’alors inutilisés, le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) a reconstitué les durées moyennes de travail des différentes branches de l’économie suisse depuis 1950. Ces données montrent que dans l’agriculture, le bâtiment, l’hôtellerie et la restauration, il n’était pas rare alors de travailler plus de 50 heures par semaine. Depuis, le temps de travail hebdomadaire et annuel a chuté : moins de jours ouvrés, davantage de vacances et un accroissement des emplois à temps partiel expliquent cette différence, montre Michael Siegenthaler dans son article « Du boom de l'après-guerre au miracle de l'emploi – la forte diminution du temps de travail en Suisse depuis 1950 ».

Cette recherche, parue dans le 9e numéro de la revue Social Change in Switzerland, permet également une comparaison internationale. On y constate que l’Autriche et les Etats-Unis ont de nos jours des temps de travail annuels supérieurs, alors que dans les années 1950 la Suisse les dépassait largement en nombre d’heures travaillées par personne active. Plus étonnant encore, la diminution du temps de travail en Suisse a suivi la même courbe qu’en France et en Allemagne. Si nos voisins français bénéficient de la semaine de 35 heures contre 42 heures en Suisse pour un plein temps, cette différence est compensée par le fait que 60% des femmes travaillent ici à temps partiel, une pratique beaucoup moins répandue dans l’Hexagone.

Enfin cet article conteste de précédentes affirmations selon lesquelles la Suisse aurait connu un retard de croissance en comparaison internationale depuis les années 1980. Selon Michael Siegenthaler, l’incohérence des données chronologiques relatives au temps de travail utilisées jusqu’à présent a conduit à surestimer le volume de travail, et par conséquent à sous-estimer la croissance de la productivité suisse. Celle-ci est en fait restée plus ou moins stable et n’a rien à envier aux grands pays industrialisés.

>> Michael Siegenthaler (2017). Du boom de l'après‐guerre au miracle de l'emploi – la forte diminution du temps de travail en Suisse depuis 1950. Social Change in Switzerland No 9. Retrieved from www.socialchangeswitzerland.ch

Contact : Michael Siegenthaler, tél. 044 633 93 67, siegenthaler@kof.ethz.ch

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

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Les familles qui ne demandent pas ou n’obtiennent pas d’aide sont une bombe à retardement

Les deuxièmes Assises de la famille, soutenues par le Pôle de recherche national LIVES, ont eu lieu à Genève le 13 juin 2017 sous les auspices de l’association Avenir Familles, composée de personnes actives dans différentes institutions publiques et privées d’entraide ainsi que dans la recherche. La thématique a porté sur le non-recours aux prestations sociales dédiées aux familles, une réalité qui fait bien moins de bruit médiatique que les abus à l’aide sociale mais dont les effets causent de nombreux problèmes, à court comme à moyen et long terme.

Où pouvait-on entendre le conseiller d’Etat genevois Mauro Poggia, en charge de l'emploi, des affaires sociales et de la santé, déclarer récemment que « le risque de précarité augmente avec le nombre d’enfants et pour les familles monoparentales » ? Aux Assises de la famille, qui se sont tenues le mardi 13 juin à l’Université de Genève en présence de près d'une centaine de représentant·e·s d’organisations non-gouvernementales, de services publics et d’universitaires. Le magistrat genevois, dans son allocution qui précédait une série de conférences et d’ateliers, a déclaré que Genève était « souvent en avance » et « plus généreuse » que d’autres cantons en matière de politique familiale.

Evoquant la hausse de 66% en trois ans des prestations complémentaires familles (PCFam), passées de 11.7 à 19.5 millions de francs entre 2013 et 2016 et concernant à cette date 1380 familles, Mauro Poggia a aussi tenu à dire que « les associations font plus, mieux et pour moins cher que l’Etat. » Preuve en est l’explosion tout aussi spectaculaire de la demande pour les cartons du cœur, a-t-il souligné. Car si une frange des familles bénéficie bien des aides publiques, nombreuses sont celles qui n’en profitent pas. A cet égard, « le risque d’expulsion des permis B qui demandent l’aide sociale est une situation préoccupante et la conséquence d’une jurisprudence gravement préjudiciable », a déclaré le magistrat.

Quelles barrières aux prestations ?

Le thème de la journée était ainsi lancé. Intitulées « Les vulnérabilités psychiques et sociales des familles : quelles barrières aux prestations ? », les Assises de la famille 2017 avaient en effet pour objectif de creuser la question du non-recours, un phénomène bien moins médiatisé que son contraire. En effet, alors que la consommation et les coûts en hausse de l’aide sociale font régulièrement les gros titres, peu de voix s’élèvent contre le fait que des familles vivent la précarité au quotidien dans une des villes les plus riches du monde. Les Assises de la famille ont eu le mérite de s’y intéresser.

Appartements de 5 pièces partagés par quatre familles, sous-locations abusives dans des immeubles délabrés, pères fraîchement séparés dormant dans leur voiture, soins dentaires repoussés indéfiniment, voire soins médicaux lourds pas entamés en raison d’une franchise d’assurance trop élevée : les exemples de situations vulnérables observées par les participant·e·s aux Assises dans leur travail quotidien ont montré une autre facette de la réalité sociale genevoise, difficile à quantifier puisque n’entrant pas dans les statistiques officielles, mais néanmoins bien présente.

Les transitions, des moments critiques

Les conférences du matin se sont attachées à cerner les mécanismes qui empêchent les individus et les familles de réclamer de l’aide. La Prof. Claudine Burton-Jeangros, sociologue de la santé à l’Université de Genève, a commencé par préciser, sur la base d'une étude en cours à l'Observatoire des familles, que la vulnérabilité intervient de manière massive dans les transitions de vie, telles que l’entrée dans l’âge adulte, l’arrivée d’un enfant, le divorce ou la séparation, la retraite, ou encore la migration. Les politiques sociales et familiales devraient donc être particulièrement attentives à ces moments de transition.

S’agissant des problèmes conjugaux, son collègue Eric Widmer, également professeur de sociologie à Genève, a tiré des résultats d’une grande enquête longitudinale sur les couples contemporains et montré que la fréquence du recours aux thérapies de couple n’est pas la même selon les ressources culturelles, financières et sociales. « Dans certains milieux c’est une démarche qui ne va pas du tout de soi, tant l'idée prévaut que les problèmes de couple et de famille ne peuvent être communiqués... Il y a là un problème massif de non-recours, mettant de nombreux couples et leurs enfants à risque, notamment lors de séparations très conflictuelles », a souligné Eric Widmer.

Des normes très puissantes

Les recherches menées par ces deux chercheurs s’inscrivent  dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES, où la vulnérabilité est étudiée comme un processus multidimensionnel qui concerne tous les domaines de la vie et touche à toutes les ressources, qu’elles soient économiques, sociales, culturelles, physiques, psychologiques ou institutionnelles. La vulnérabilité se déploie aussi à plusieurs niveaux, impliquant les individus, leur entourage familial et social, et plus largement la collectivité. C’est pourquoi la question des normes est incontournable : qui a droit à quoi, légalement ; mais surtout, qui ose demander quoi, moralement ? Enfin la vulnérabilité doit être appréhendée dans sa temporalité au niveau individuel et historique : expérimenter un coup dur accidentel ou endurer la précarité sur plusieurs générations n’ont pas les mêmes effets, ni n'appellent les mêmes réponses selon les époques, mais partent parfois des mêmes causes. A quel moment alors, avec quels moyens et pour combien de temps, faudrait-il proposer un soutien institutionnel aux personnes vulnérables ?

Plusieurs intervenant·e·s, comme la Prof. Barbara Lucas de la Haute-école de travail social à Genève et Héléna Revil, de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) à Grenoble, ont donné des explications au fait que les individus s’abstiennent souvent d’appeler au secours : manque d’information, lourdeurs administratives, problèmes psychiques ou peur des conséquences; mais surtout, ce sont les valeurs très prégnantes de l’autonomie et de la responsabilité, ainsi que la crainte de la stigmatisation, qui retiendraient bien des personnes à recourir à des prestations auxquelles elles ont légitimement droit. Avec des conséquences très lourdes pour la société  – sanitaires, familiales, scolaires, professionnelles, sociales, voire politiques quand le sentiment d’exclusion aboutit à l’extrémisme politique ou religieux.

Coûts différés pour la société

« Ne pas traiter les patients est ce qui coûte le plus cher », a ainsi averti le Prof. Jacques Besson, spécialiste des addictions au CHUV, comparant de manière un peu provocatrice le prix d’un séjour en prison avec celui d’un traitement psychologique en ambulatoire. « Une famille sous stress est une famille vulnérable aux addictions », a-t-il également souligné, après avoir dressé plusieurs portraits de personnes toxicodépendantes et décrit leurs contextes familiaux, sociaux et professionnels.

« J’ai mieux compris ce matin les personnes qui viennent nous consulter », a déclaré l’après-midi, au cours d’un des quatre ateliers proposés, une des participantes active dans le conseil conjugal et les thérapies familiales. Ces ateliers ont mis en avant l’importance du travail en réseau et révélé l’immensité des besoins de la part des familles vulnérables. Besoins pas toujours exprimés au bon endroit, au bon moment et face au bon interlocuteur. Mais chaque geste compte. Et les Assises de la famille servent aussi peut-être à ça : leur donner une résonnance.

« Ce fut une journée stimulante, participant à avancer sur la compréhension de la vulnérabilité des familles à Genève et sur les solutions à construire », conclut Eric Widmer. Rendez-vous est déjà pris pour les Assises de l'année prochaine, qui traiteront probablement de la vulnérabilité familiale aux troisième et quatrième âge, annonce-t-il.

>> Voir le compte-rendu des Assises de la famille 2016

iStock © Valentin Russanov

Le sexe dans tous ses états... Une enquête scientifique inédite auprès de 40'000 jeunes

Un sixième des personnes âgées entre 24 et 27 ans résidant en Suisse vont être contactées dans les prochains jours pour répondre à un questionnaire comprenant un « calendrier de vie » électronique. L’objectif est de faire un lien entre parcours de vie et expériences sexuelles afin de mieux comprendre les contextes pouvant mener à prendre des risques, à subir des abus, à souffrir de dysfonctionnements sexuels ou tout simplement à vivre une sexualité épanouie.

Sexting, viagra, pilule du lendemain, fin des tabous sur l’homosexualité, prise de conscience du phénomène transgenre : beaucoup de choses ont changé en matière de sexualité au cours des vingt dernières années, marquées entre autres par l’apparition d’Internet et la banalisation du sida. Un groupe de chercheurs et chercheuses du CHUV, du Pôle de recherche national LIVES à l’Université de Lausanne et de l’Hôpital universitaire de Zürich vont tenter de faire un état des lieux des pratiques sexuelles des jeunes d’aujourd’hui à partir d’une grande enquête qui démarre en juin auprès de plusieurs dizaines de milliers de personnes nées entre 1989 et 1993.

25 ans, c’est l’âge où l’on peut déjà avoir un certain recul sur ses premiers rapports intimes. Ce sondage en profondeur vise à récolter une foule d’informations sur la chronologie des expériences sexuelles des jeunes et leurs liens avec d’autres événements dans les domaines de la santé physique et psychique, des relations affectives, de la formation, de l’intégration professionnelles, etc.

Sexualité et bien-être

« La sexualité ne peut être isolée des autres domaines de la vie », explique le Prof. Joan-Carles Suris, principal requérant dans ce projet financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. « Par exemple, si votre sexualité est en dessous de vos attentes, soit en quantité, soit en qualité, ou si elle est problématique en raison de divers facteurs qui peuvent être liés à des abus ou des dysfonctionnements, votre bien-être général s’en ressentira, ce qui peut avoir des impacts sur vos relations sociales et votre productivité au travail ou dans les études. »

Parmi les cas de sexualité problématique, le chercheur relève aussi les prises de risque dans le cadre de relations non protégées avec des partenaires occasionnels, phénomène que l’on retrouve assez souvent associé à la prise de substances. Il y a également toute la question des rapports non désirés, qui ne se déroulent pas forcément dans un contexte de contrainte violente, mais qui peuvent malgré tout déboucher sur une souffrance.

S’agissant des dysfonctionnements, ils concernent aussi bien les femmes que les hommes : sécheresse vaginale pour les unes, cause de rapports douloureux ; problèmes d’érection ou éjaculation précoce pour les autres, grand motif de stress chez les concernés.

Toutes ces thématiques, et bien d’autres encore, nécessitent d’être mieux comprises de manière longitudinale, c’est-à-dire en suivant l’ordre des événements ayant ponctué le parcours de chaque personne, toujours dans le souci de comprendre l’individu dans sa globalité.

La dernière enquête sur la sexualité des jeunes remonte à 1995, époque où la société n’avait pas encore connu les évolutions rapides de ces dernières années. Les défis d’aujourd’hui ne sont plus tout à fait les mêmes, et cette nouvelle étude se veut bien plus ambitieuse, tant en termes de sujets abordés que de méthodes pour les appréhender.

Calendrier de vie en ligne

Les jeunes seront contactés par courrier grâce à un échantillonnage fourni par l’Office fédéral de la statistique. Ils auront alors l’occasion de se connecter sur internet et d’utiliser – en tout anonymat – un outil absolument novateur dans la deuxième partie de l’enquête. Il s’agit d’un « calendrier de vie » électronique, une manière visuelle et interactive de noter les différents événements survenus au long de l’existence. Une phase de test a été réalisée sur des étudiant·e·s de l’Université de Lausanne afin de rendre le logiciel plus intuitif et flexible. Ce pilote a permis de montrer, en comparaison avec des questionnaires traditionnels, que le calendrier de vie est un moyen efficace de stimuler la mémoire autobiographique pour se remémorer davantage d’événements.

L’enquête qui démarre pourrait ainsi avoir un fort retentissement : pour sa thématique, car les données sur la sexualité des jeunes manquent, en Suisse comme au niveau international ; et pour sa méthode, qui va plus loin que l’utilisation traditionnelle des calendriers de vie en version papier, longs à déchiffrer et à coder avant de permettre les analyses.

Une équipe interdisciplinaire

Pour cette nouvelle recherche, le Prof. Suris, lui-même membre de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) et responsable du Groupe de recherche sur la santé des adolescents (GRSA), s’est entouré de spécialistes en méthodologie de l’étude des parcours de vie. Il est ainsi accompagné dans ce projet du Prof. André Berchtold, statisticien, et de Davide Morselli, psychologue social, tous deux membres du Pôle de recherche national LIVES. La Prof. Brigitte Leeners, spécialiste des dysfonctionnements sexuels à l’Hôpital universitaire de Zürich, ainsi que la doctorante Yara Barrense-Dias, rattachée à l’IUMSP, complètent l’équipe de base, qui collaborera avec d’autres partenaires encore, telles que Christina Akre et Raphaël Bize (IUMSP), Sylvie Berrut (Santé PluriELLE / LOS),  Annick Berchtold (Abiris) ou Caroline Jacot-Descombes (Santé sexuelle Suisse).

Le premier rapport, attendu pour début 2018, sera suivi de plusieurs publications scientifiques sur différents aspects du projet, où l’équipe pourrait bien toucher à de nombreux tabous.

Sexting, nouvelles pratiques, nouvelle posture

Avec le Prof. Suris et Christina Akre, Yara Barrense-Dias a déjà publié en février dernier un rapport étonnant, accessible et pourtant peu remarqué sur le phénomène du « sexting », entendu comme l’envoi électronique de matériel à caractère sexuel. Constatant que cette pratique est « définie positivement par la majorité des jeunes comme un simple échange entre deux personnes consentantes », les chercheurs appellent à ne pas diaboliser la pratique mais plutôt à identifier les coupables de tranfert non souhaité et de harcèlement, ainsi qu’à déculpabiliser et soutenir les victimes.

C’est le même désir de saisir l’évolution des pratiques et des problématiques sans posture moralisatrice, mais dans un but de prévention et de dépistage, qui anime l’ensemble de l’équipe impliquée dans l’étude sur la santé et les comportements sexuels des jeunes en Suisse. « Nous n’avons pas d’apriori, c’est ce qui rend la recherche intéressante », déclare le Prof. Suris. D’où son injonction aux destinataires du courrier que recevront prochainement 40'000 jeunes : « S’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît, participez ! »

Enquête sur la mémoire: les enfants ont été durablement marqués par les attentats de Paris

Enquête sur la mémoire: les enfants ont été durablement marqués par les attentats de Paris

Au cours des Mystères de l'UNIL, portes ouvertes de l'Université de Lausanne du 18 au 21 mai 2017, le Pôle de recherche national LIVES a conduit un sondage auprès de 2280 personnes, dont une majorité d'enfants, pour savoir quels ont été les événements historiques les plus marquants survenus de leur vivant.

Les portes ouvertes de l'Université de Lausanne, qui portaient cette année sur le thème de la mémoire, ont été l'occasion pour le Pôle de recherche national LIVES de mener une grande collecte de données sur la mémoire historique collective. La recherche a déjà montré que chaque génération est particulièrement marquée par les événements qui surviennent vers la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte. Les Mystères de l'UNIL ont donc été l'occasion de voir ce qu'il en est chez les plus jeunes, puisque le public était composé majoritairement d'enfants de 11 à 15 ans.

« Si vous pensez aux grands événements et changements qui se sont passés dans votre pays et dans le monde au cours de votre vie, quels sont ceux qui vous ont le plus frappé ? »

Telle était la question posée aux participant·e·s des Mystères pendant les quatre jours de la manifestation, ouverte aux classes le jeudi et le vendredi, et aux familles pendant le week-end.

Encadrée par deux doctorants du PRN LIVES, Léïla Eisner et Sergueï Rouzinov, une équipe d'une douzaine d'étudiant·e·s de la Faculté des sciences sociales et politiques a arpenté les couloirs des Mystères pendant les quatre jours. Plus de 2000 personnes se sont prêtées au jeu des réponses, dont 65% de jeunes de moins de 15 ans.

Les résultats montrent les scores suivants:

  1er événement 2ème événement 3ème événement
<10 ans Attentats de Paris Election Trump Election Macron
11-15 ans Attentats de Paris Election Trump Election Macron
16-25 ans 11 septembre 2001 Election Trump Attentats de Paris
26-35 ans 11 septembre 2001 Election Trump Chute du mur de Berlin
36-50 ans 11 septembre 2001 Chute du mur de Berlin Election Trump
>50 ans 11 septembre 2001 Chute du mur de Berlin Premier pas sur la Lune

Au final, les attentats de Paris ont très souvent été cités, toutes catégories d’âge confondues, ce qui suggère un fort impact des événements récents sur la mémoire collective. Mais le 11 septembre 2001 a marqué bien davantage les plus âgés.

Ces résultats vont maintenant être comparés à des études plus anciennes réalisées sur la mémoire historique collective. Selon la recherche, le pic de réminiscence se situe à l’entrée dans l’âge adulte. C’est la première fois qu’une telle enquête est menée également sur des enfants.

Ce que dit la littérature

Dans une précédente étude, conduite en 2004 par Christian Lalive d'Epinay, Stefano Cavalli et Gaëlle Aeby, le 11 septembre sortait également en premier chez les personnes nées entre 1980 et 1984, aujourd'hui âgées entre 33 et 37 ans. Les personnes nées entre 1965 et 1969, aujourd'hui autour de la cinquantaine, étaient 50% à mentionner également le 11 septembre - alors encore récent - et 40% à citer la chute du mur de Berlin comme événement prépondérant. Quant aux personnes nées entre 1950 et 1954, elles évoquaient plutôt des événements survenus dans les années 60, comme le premier homme sur la Lune, Mai 68 ou l'assassinat de Kennedy, et n'étaient que 20% à signaler le 11 septembre et 20% la chute du mur de Berlin.

Un grand merci à nos enquêteurs et enquêtrices d'avoir ainsi permis de confirmer la théorie selon laquelle la mémoire historique collective est bien affaire de génération. Nos doctorants vont maintenant analyser ces nouvelles données plus en détail, ce qui donnera lieu, nous l'espérons, à un magnifique papier scientifique.

Le PRN LIVES enferme des enfants dans une forteresse dont ils devront s'échapper

Le PRN LIVES enferme des enfants dans une forteresse dont ils devront s'échapper

Sur le thème de la mémoire, la douzième édition des portes ouvertes de l'Université de Lausanne aura lieu du 18 au 21 mai 2017. Le Pôle de recherche national LIVES a préparé l'atelier No 17 sous la forme d'un «escape game» où les participant·e·s devront reconstituer des parcours migratoires pour réussir à sortir de la salle. Une grande enquête sur la mémoire historique à court terme, dirigée par deux doctorant·e·s, sera également menée auprès du public. Enfin le directeur de LIVES, Dario Spini, donnera un cours par vidéo, inspiré de la thèse de Nora Dasoki qu'il a supervisée.

Un tremblement de terre a eu lieu au centre d’enregistrement des requérants d’asile. Tous les adultes ont été hospitalisés. Trois enfants en bas âge sont cependant retrouvés sains et saufs. Qui sont leurs parents? D'où viennent-ils? Pourquoi ont-ils fui leur pays? Par où ont-ils transité? Le bureau des procédures est sens dessus dessous, mais certains indices permettent d'y voir plus clair: autant de documents d'un passé pas si lointain provenant de pays dont les gens ont été chassés.

Sur le mode de l'«escape game», l'animation SOS Forteresse, proposée cette année par le Pôle de recherche national LIVES aux Mystères de l'UNIL, est évidemment basée sur l'approche des parcours de vie. Les visiteurs seront enfermés dans une pièce et devront reconstituer la trajectoire de familles migrantes pour trouver les codes qui leur permettront d'en sortir. Pour réussir, ils devront faire preuve d’observation, de logique, d’un peu de culture et de beaucoup de collaboration. Rendez-vous dans la salle 3021 du bâtiment Anthropole, arrêt du métro M1 UNIL-Dorigny.

Grande enquête sur la mémoire

La douzième édition des Mystères de l'UNIL sera également l'occasion de réaliser une expérience auprès du public.

Si vous pensez aux grands événements et changements qui se sont passés en Suisse et dans le monde au cours de votre vie, quels sont ceux qui vous ont le plus frappé ?

Du jeudi au dimanche, une dizaine d'étudiant·e·s en sciences sociales passeront auprès du public pour poser cette question aux participant·e·s de tous âges. Les réponses seront utilisées pour une recherche sur la mémoire historique collective, et les premiers résultats seront communiqués à la fin des Mystères. Le but est d’observer les différences entre générations. Ce sera la première fois qu’une telle enquête inclura des personnes encore mineures, nées au tournant du 21e siècle. Car le public-cible des Mystères, notamment pendant les deux jours réservés aux écoles, est composé de jeunes de 9 à 13 ans. Cette enquête est coordonnée par Léïla Eisner et Sergeï Rouzinov, doctorant·e·s LIVES, et fait suite à une recherche de Stefano Cavalli, ancien membre du Pôle.

Cours UNIL en herbe

Le PRN LIVES sera également représenté dans le projet UNIL en herbe, où les enfants pourront suivre un mini-cours en direct ou par vidéo, donné par un·e vrai·e professeur·e. Dario Spini y parlera de la mémoire autobiographique des moments de bonheur et de vulnérabilité au cours de la vie. Il résumera ainsi les résultats obtenus par Nora Dasoki dans son travail de thèse. Cela se passera dans la salle 2064 du bâtiment Anthropole.

>> Vidéos "UNIL en herbe"

>> Programme complet des Mystères

>> Autres ateliers de la Faculté des sciences sociales et politiques

iStock © RichVintage

L’investissement social en Suisse : trop « light » pour les uns, « doxa » économiciste pour les autres

Dans un livre paru en avril 2017 aux éditions Seismo, Jean-Michel Bonvin et Stephan Dahmen questionnent le paradigme de l’investissement social et son adaptabilité au contexte suisse. Gøsta Esping-Andersen, un des plus éminents spécialistes de cette approche, y défend la stratégie issue des pays scandinaves. Puis d’autres auteurs, dont Giuliano Bonoli et Jean-Pierre Tabin, exposent de manière contrastée leur vision respective de ce modèle, ainsi que son impact local. Les apports complémentaires des uns et des autres débouchent sur un appel à mieux équilibrer efficience et équité.

Visant à réformer l’Etat-providence en misant sur une meilleure rentabilité des politiques publiques, l’investissement social a pour but déclaré de développer le capital humain en amont de sorte à réduire les dépenses sociales et augmenter les recettes fiscales en aval. Depuis une vingtaine d’années, cette approche est défendue par de nombreux acteurs politiques et académiques sur fond de révolutions démographique et technologique : dans un contexte de baisse de la natalité, de vieillissement de la population, de hausse du chômage et de creusement des inégalités, l’investissement social apparaît à certains comme la meilleure voie pour répondre aux défis en cours.

Exemple le plus souvent cité, la mise en place de structures d’accueil pour les enfants d’âge préscolaire entraînerait ainsi plusieurs bénéfices : une meilleure intégration pour les enfants des milieux défavorisés d’une part, menant à moins de problèmes scolaires par la suite et une meilleure employabilité sur le long terme ; une émancipation des femmes d’autre part, qui se voyant ainsi soulagées d’une partie de leurs responsabilités familiales seraient encouragées à rejoindre le marché du travail, et donc les rangs des contribuables.

En Suisse, la question de l’investissement social n’a pas pris l’importance qu’elle a acquise ailleurs, que ce soit dans les recommandations de l’Union européenne ou dans les politiques publiques effectives des pays nordiques. Le livre dirigé par Jean-Michel Bonvin et Stephan Dahmen apporte donc une contribution essentielle au débat national, poursuivant une réflexion née en 2010 lors d’une conférence à Berne de l’Association suisse de politique sociale. Signe distinctif de son caractère helvétique, l’ouvrage propose certains chapitres en français et d’autres en allemand, dont une traduction d’un article de Gøsta Esping-Andersen écrit à l’origine en anglais. L’auteur danois, professeur à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone, s’y montre comme à son habitude un ardent défenseur de l’investissement social. Mais l’intérêt principal de la publication est de réunir des points de vue opposés sur le paradigme à la lumière du cas suisse.

Limites institutionnelles et idéologiques

Pour Giuliano Bonoli, seules des versions «light» d’investissement social ont vu le jour jusqu’à présent en Suisse. Ces mesures visent avant tout l’activation des personnes sans emploi, notamment les plus jeunes ou les moins qualifiées, et se distinguent de la version « lourde » d’investissement social, telle qu’on la trouve dans les pays scandinaves, jugée bien plus efficace par le chercheur. Il explique la faible pénétration des principes d’investissement social dans ce pays par des limites institutionnelles et idéologiques : le fédéralisme, qui empêche une vision commune et une gestion unifiée de la politique familiale ; et le conservatisme, qui privilégie le maintien des femmes auprès de leurs enfants et la non-intervention de l’Etat dans les affaires dites privées.

Jean-Pierre Tabin, lui, voit au contraire dans l’investissement social une manifestation de l’idéologie néo-libérale, dont l’unique objectif serait la réduction des coûts de l’Etat. Cette logique purement financière aboutirait notamment à dévaloriser le travail non rémunéré, sans pour autant chercher vraiment à lutter contre les inégalités sociales et de genre. Cette «doxa de l’investissement social» aurait selon lui été tout particulièrement mise à l’œuvre dans la 4e révision de l’assurance chômage en 2010, où l’essentiel du discours des parlementaires a tourné, estime-t-il, autour de la nécessité de rendre les prestations sociales moins attractives.

Justice sociale ou partiale ?

Les autres contributeurs du livre, Eva Nadai, Hans-Uwe Otto et Claudia Kaufmann, se révèlent également critiques de l’investissement social. L’approche est ainsi perçue comme trop sélective, visant avant tout les bénéficiaires les plus prometteurs ; elle ferait fi des véritables aspirations des acteurs, perçus uniquement comme des agents économiques, à l’opposé d’une démarche par les capabilités misant davantage sur l’épanouissement ; enfin elle négligerait de s’intéresser véritablement aux conditions de travail et aux inégalités homme-femme.

Jean-Michel Bonvin et Stephan Dahmen concluent que «dans le contexte actuel, l’Etat d’investissement social n’atteint pas, ou seulement de façon partielle, ses objectifs et il se révèle souvent un facteur de renforcement des inégalités sociales.» Ils soulignent que son impact reste difficile à évaluer : quels gains en attendre, et selon quelle temporalité ? «Le caractère vague du concept permet certes de rassembler des coalitions, mais il a comme effet pervers que celles-ci peuvent servir des objectifs très variés», ajoutent-ils, appelant de leurs vœux «une complémentarité plus équilibrée entre efficience et justice sociale.»

>> Jean-Michel Bonvin, Stephan Dahmen (eds.) (2017) Reformieren durch Investieren ? Chancen und Grenzen des Sozialivestitionsstaats in der Schweiz / Investir dans la protection sociale – atouts et limites pour la Suisse. Zürich : Seismo Verlag

Image iStock © denisik11

Les systèmes scolaires segmentés augmentent les inégalités sociales

Dans un article sur l’évolution des inégalités scolaires en Suisse paru dans la revue Social Change in Switzerland, Georges Felouzis et Samuel Charmillot comparent les cantons sur la base des données PISA de 2003 et 2012. Ils observent que l’orientation des élèves en plusieurs filières réduit l’égalité des chances, sans pour autant améliorer les performances.

Dans plusieurs cantons suisses, l’organisation de l’enseignement obligatoire au secondaire I fait l’objet de vives controverses entre les partisans du tronc commun et les défenseurs de filières basées sur le niveau scolaire. Dans ce débat, la question de l’efficacité, vue sous l’angle des résultats obtenus par les élèves, est régulièrement opposée à la question de l’équité, c’est-à-dire de la possibilité pour les enfants issus de milieux moins favorisés d’accéder aux formations les plus qualifiantes.

L’étude de Georges Felouzis et Samuel Charmillot offre une vision comparative dans le temps et dans l’espace grâce aux données du sur-échantillonnage de l’enquête du Programme International de Suivi des Acquis des élèves (PISA). Portant sur quinze systèmes éducatifs cantonaux à deux dates, 2003 et 2012, leur analyse montre que les systèmes qui misent sur la sélection précoce des élèves ne sont pas les plus efficaces : dans ces cantons, les résultats scolaires en mathématiques, à la fin de la scolarité obligatoire, sont inférieurs à la moyenne suisse. Les cantons les plus performants en terme de résultats se distinguent au contraire par une organisation scolaire moins segmentée, offrant davantage d’équité.

Une plus grande égalité des chances ne garantit pas à elle seule des résultats au dessus de la moyenne. Mais l’observation de l’évolution des systèmes éducatifs cantonaux entre 2003 et 2012 permet de voir si le profil socio-économique des élèves les plus performants a changé suivant les différentes réformes cantonales. Les auteurs montrent ainsi que les cantons qui ont augmenté la ségrégation ont vu diminuer la part de bons élèves issus de milieux modestes. Au contraire, les cantons ayant fait le choix de réduire la sélectivité ont généralement gagné en équité, offrant de meilleures perspectives d’éducation aux élèves de tous les milieux sociaux.

>> Georges Felouzis et Samuel Charmillot (2017). Les inégalités scolaires en Suisse. Social Change in Switerland No 8. Retrieved from www.socialchangeswiterland.ch

Contact: Georges Felouzis, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université de Genève, tél. 022 379 90 21, Georges.Felouzis@unige.ch

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

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