Vulnérabilité des parents seuls : le soutien des politiques sociales fait la différence
Dans sa thèse intitulée «Social policy shaping the life-course: A study on lone parents' vulnerability», la Dr. Ornella Larenza démontre que l'accès aux politiques sociales est primordial pour que les parents seuls ne se retrouvent pas en situation de vulnérabilité.
Les parents seuls, lone parents en anglais, souffrent souvent d'une détérioration de leurs conditions de santé et financière. En marge de cette réalité, la Dr. Ornella Larenza a consacré sa thèse, défendue avec succès le 3 mai 2019, à l'étude de la diversité croissante des parents seuls. Elle a par ailleurs investigué comment les politiques sociales peuvent contribuer au développement de leur vulnérabilité au fil du parcours de vie.
Pensions alimentaires non versées - incidences sur d'autres domaines de la vie
La Dr. Larenza a focalisé ses recherches sur deux politiques sociales spécifiques: le versement des pensions alimentaires et le recours aux prestations d'aide sociale.
Dans le premier cas, elle a montré que le cadre juridique en matière d'exécution des obligations alimentaires n’offre qu’une aide limitée pour les mères confrontées à des violations des obligations alimentaires envers leurs enfants. Par ailleurs, toutes les mères ne réagissent pas à ces violations, car elles se retrouvent face à des dilemmes moraux impliquant l'autre parent et sa relation avec les enfants. Enfin, certaines mères s’adaptent aux violations totales en modifiant leur trajectoire professionnelle, ce qui a des répercussions sur d'autres domaines de leur vie. Par exemple, quelques mères augmentent leur taux de travail, mais cela les oblige à soustraire du temps à leurs enfants et à renoncer à une relation épanouie avec eux.
Dans le deuxième cas, la chercheuse a illustré comment les parents seuls réagissent aux problèmes d’accès aux prestations d'aide sociale (par exemple, par la recherche de soutien financier alternatif auprès de leur réseau, par la lutte contre les administrations qui empêcheraient l’accès aux prestations, ou par l’adaptation de leur parcours de vie aux conditions d’accès) et comment cela peut non seulement affecter leur situation économique, mais également entraîner un ensemble plus complexe de changements dans plusieurs domaines de leur vie y compris des répercussions sur leur vie de couple et leur vie de parents.
Une combinaison de méthodes d'analyse pour une vision globale du parcours de vie
Au nom du jury*, la Prof. Eva Green, vice-doyenne de l'Université de Lausanne a par ailleurs fait ses félicitations à Mme Larenza pour "l'approche innovante qui croise différents domaines des politiques sociales et pour la rigueur de l'analyse longitudinale qualitative".
En effet, la Dr. Larenza a réalisé une étude de cas en combinant des analyses qualitatives transversales (synchroniques) et longitudinales (diachroniques). Par ce biais, elle a montré que la vulnérabilité des parents seuls est un processus dont le développement dépend à la fois des ingrédients qui le composent (facteurs de stress et ressources à disposition de l’individu) et à la fois de leur agencement au fil du temps. Il ne s’agit donc pas juste de considérer des conséquences négatives, mais plutôt de prendre en compte une dynamique plus complexe entre facteurs de stress et ressources.
Les politiques sociales peuvent contribuer au processus de vulnérabilité en tant qu’ingrédients qui participent à des constellations de problèmes complexes. Notamment, elles peuvent jouer le rôle de facteurs de stress en situation d’absence de support, d'accès problématique aux supports et de soutien inadéquat. Finalement, elles peuvent façonner le processus de vulnérabilité des parents seuls et générer des répercussions, dans plusieurs domaines de leur vie et au fil du temps.
Enfin, l’étude montre que l'agentivité (capacité de réagir) des parents seuls qui font face à la vulnérabilité reflète la configuration des ingrédients du processus et peut être orientée de manière significative par leurs relations avec les personnes importantes, comme par exemple les enfants, l’ex-partenaire et la famille d’origine. Cette capacité de réaction dépend notamment de la possibilité d’accéder à des ressources et de les mobiliser pour résister aux facteurs de stress.
* Membres du jury: Prof. Eva Green, Vice-doyenne (Présidente); Prof. Laura Bernardi, ISS (Directrice de thèse); Mme Claire Bidart, Directrice de recherche au CNRS, Université d’Aix-Marseille; Prof. Giuliano Bonoli, IDHEAP; Prof. Jane Millar, Université de Bath.