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Passer par un burn-out ou une dépression peut aussi apprendre à grandir

Une thèse en psychologie défendue par Hannah Klaas à l’Université de Lausanne le 24 septembre 2018 montre que les personnes ayant été victimes de maladies psychiques sont nombreuses à en avoir retiré des aspects positifs pour leur développement personnel et leurs relations avec les autres. Cela prend du temps, et la stigmatisation n’aide certainement pas. Mais ne dit-on pas que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ?

Les recherches en psychologie portent rarement sur des échantillons importants de population « lambda ». Mais Hannah Klaas a eu cette chance au sein du Pôle de recherche national LIVES. Partant des données du Panel suisse de ménages, qui suit de manière longitudinale, année après année, des milliers de foyers dans toute la Suisse, elle a pu extraire un sous-échantillon de 682 personnes ayant eu un grave problème de santé au cours de leur vie, pour moitié une atteinte au corps physique, l’autre moitié étant composée de gens ayant souffert d’une maladie psychique : dépression, burn-out ou anxiété principalement.

Les buts de sa thèse étaient multiples : déterminer la place que la maladie avait prise dans l’identité de ces personnes, observer comment le contexte social, le soutien social et la stigmatisation influencent le rétablissement et l’épanouissement, et enfin comparer les expériences vécues selon que la maladie avait affecté le corps ou l’esprit. En effet, on sait depuis une trentaine d’années environ que les expériences traumatiques comme les catastrophes, les violences interpersonnelles ou les problèmes de santé physique peuvent avoir in fine un impact positif sur le développement personnel. Mais en dehors de quelques études peu diffusées, principalement qualitatives, on n’avait encore jamais observé quantitativement la conséquence des maladies psychiques sur ce qu’on appelle l’épanouissement dans l’adversité.

Epanouissement personnel et relations avec les autres

La thèse d’Hannah Klaas démontre clairement que plusieurs aspects positifs peuvent être retirés aussi d’une atteinte à la santé mentale telle que la dépression, le burn-out ou l’anxiété, tant en termes d’épanouissement personnel que de changements dans les relations avec les autres. 60% des participants à l’étude ont fait état d’un degré important ou modéré d’épanouissement personnel, et 35% de quelques changements positifs depuis la maladie.

Ceux pour qui la maladie a été intégrée comme faisant partie de leur identité montrent davantage de signes d’épanouissement. Ils se déclarent plus compréhensifs, plus tolérants et plus forts après avoir passé cette épreuve, et affirment mieux apprécier la vie. Beaucoup notent que la situation leur a permis de faire le ménage dans leur vie, par exemple en mettant fin à des relations vécues comme malsaines, ou en devenant plus attentif à des domaines problématiques de leur vie.

« Cet effet est le plus marqué pour les personnes qui ont fait une psychothérapie », indique Hannah Klaas. Par contre le fait d’avoir reçu un traitement médicamenteux n’a pas de lien, ni positif ni négatif, avec cet épanouissement. Dans cette étude, les personnes qui déclarent avoir grandi dans l’adversité ne se distinguent nullement par leurs caractéristiques sociodémographiques. « On parle bien de croissance des compétences intra-personnelles et sociales, ce qui n’a pas de lien avec le niveau d’éducation », précise la chercheuse pour expliquer cette large représentation de différents milieux sociaux.

Avec le temps…

S’agit-il là de résilience ? « Ici la question n’est pas de revenir à un état antérieur à la maladie, mais bien d’un développement personnel allant au-delà », explique Hannah Klaas. Sa thèse indique en outre que le lien entre centralité de l’identité et croissance personnelle s’affirme de plus en plus avec le temps, surtout quand les symptômes et les impacts directs de la maladie ont cessé.

L’âge auquel la maladie s’est déclarée compte aussi, mais de manière modérée. Pour certains aspects, l’épanouissement dans l’adversité semble être plus répandu chez les personnes à partir de 40 ans. « Avant aussi pour certains, mais quand on est au milieu de sa vie et qu’on a plus d’expérience, il est peut-être plus facile de trouver du sens ou une raison à sa maladie, de l’accepter et d’en tirer davantage d’aspects positifs pour ses relations avec les autres. Ou peut-être qu’on est davantage prêt à entreprendre des changements dans sa vie ?», suggère la doctorante.

Discrimination et rétablissement

Sa thèse montre également que les personnes ayant subi de fortes discriminations en raison de leur état de santé ont de plus grandes difficultés à se considérer comme guéries. Cependant, et de manière fort intéressante, l’épanouissement aide à gérer la stigmatisation. Les personnes qui ont subi une forme de stigmatisation profitent plus de leur épanouissement : quand elles ont réussi à transcender ces problèmes et qu’elles ont pu en ressortir « grandies », elles indiquent de hauts niveaux de rétablissement subjectif.

Cet épanouissement contribue ainsi davantage au rétablissement s’agissant des personnes discriminées pour une maladie psychique, comparées aux victimes de maladies physiques discriminées ou aux autres malades non-stigmatisés. Cependant, il n’est pas indispensable de s’être épanoui dans l’adversité pour se sentir guéri, car 25% des personnes interrogées se déclarent rétablies sans avoir noté des progrès significatifs dans leur développement personnel.

Soutien social

Le soutien social est déterminant. Avoir rejoint un groupe de parole, faire partie d’une association ou s’engager dans un club favorisent l’épanouissement dans l’adversité. Les personnes souffrant de solitude et d’isolement, par contraste, témoignent de plus de difficultés à donner du sens à leurs difficultés, même anciennes.

Il est à noter que l’échantillon est surtout constitué de personnes pour qui le problème de santé date déjà d’au moins deux ans, dont les impacts directs ont cessé ou qui se sont habituées à gérer le problème, et qui assument cette maladie, car elles acceptent de la mentionner. De plus, ces personnes ont une confiance envers les autres supérieure à la moyenne. Les ressortissants suisses et les universitaires sont en outre surreprésentés dans l’échantillon, même si leur taux d’épanouissement dans l’adversité n’est pas supérieur aux autres catégories sociales.

Il y a donc une forte probabilité que les personnes les plus vulnérables n’aient pas été suffisamment représentées dans l’étude, soit parce qu’elles cachent leur maladie, soit parce qu’elles n’ont pas été diagnostiquées. D’ailleurs l’analyse d’un sous-groupe montrant de faibles taux de guérison montre que ces personnes (10%) craignent davantage de parler de leur maladie et se distinguent par un moindre épanouissement dans l’adversité. Ce sont aussi des gens qui rapportent plus d’expériences de stigmatisation, bénéficient d’un moindre soutien social et font moins partie de groupes.

Recommandations

Pour Hannah Klaas, le message le plus important de sa thèse est que les maladies psychiques ne doivent pas être un tabou, et que « même des choses positives peuvent en ressortir, comme par exemple connaître mieux ses forces ou réussir à mettre fin à une relation toxique. » Elle recommande d’encourager la création de groupes de parole, avec notamment pour objectif de développer chez les personnes malades une identité positive, et de lutter davantage contre la stigmatisation, car « les gens ne se réduisent pas à leur maladie. »

Il faudrait selon la chercheuse davantage d’informations en ligne sur le rétablissement et les possibilités d’épanouissement dans l’adversité à l’intention des personnes concernées et de leurs proches, voire des campagnes dans les écoles pour mieux comprendre ces phénomènes : « On apprend ce qu’est le cancer, mais jamais la dépression. On ne sait pas par exemple que la moitié des victimes de dépression ne connaissent qu’un seul épisode au cours de leur vie. »

>> Hannah Klaas (2018). Identity, adversarial growth and recovery from mental and physical health problems. Under the supervision of Dario Spini. Université de Lausanne

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"Le combat du cerveau pour sortir du canapé"

Les équipes de Boris Cheval, chercheur de l’UNIGE et dans le PRN LIVES, en collaboration avec Matthieu Boisgontier, ont observé que le cerveau tend naturellement à la minimisation de l’effort et qu’il doit utiliser beaucoup de ressources pour contrer ce penchant à la sédentarité.

Aujourd’hui, environ 30% des adultes et 80% des adolescents n’atteignent pas le niveau minimum d’activité physique quotidien recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour demeurer en bonne santé, comme on peut le lire dans le communiqué de presse de l'UNIGE (18.09.18). Le décalage entre l’intention de faire du sport et le passage à l’acte chez les personnes tendant à la sédentarité a déjà été démontré par des études précédentes. Mais que se passe-t-il dans le cerveau pour que l’intention ne soit pas suivie de l’action?

Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont étudié l’activité neuronale de personnes devant choisir entre l’activité physique et la sédentarité. Ils ont observé que le cerveau sollicite des ressources beaucoup plus importantes pour s’échapper d’une attirance générale vers la minimisation de l’effort. Un combat s’engage alors entre l’envie de ne rien faire et l’activité physique. Ces résultats, à lire dans la revue Neuropsychologia, sont en accord avec l’idée selon laquelle nos ancêtres devaient éviter les efforts physiques inutiles afin d’augmenter leurs chances de survie, ce qui n’a plus lieu d’être dans nos sociétés modernes.

Nombreux sont ceux qui achètent un abonnement de fitness et ne s’y rendent jamais. Ce comportement, appelé par les chercheurs le paradoxe de l’activité physique, a été démontré par des études précédentes qui opposent le système contrôlé fondé sur la raison – je dois faire du sport pour être en bonne santé – au système automatique fondé sur l’affect – les sensations d’inconfort et de fatigue ressenti pendant l’activité physique. Lorsque la raison et l’affect sont en conflit, l’implémentation du comportement d’activité physique ne se fait pas et la personne tend à la sédentarité. Mais que se passe-t-il au niveau neuronal qui fait que l’affect l’emporte sur l’intention?

Pour répondre à cette question, les équipes de Boris Cheval, chercheur à la Faculté de médecine de l’UNIGE, aux HUG et dans le PRN LIVES, et de Matthieu Boisgontier, chercheur à l’Université KU Leuven (Belgique) et à l’Université de British Columbia (UBC, Canada), ont étudié l’activité neuronale de 28 personnes, toutes voulant être actives dans leur quotidien, sans l’être forcément. Les participants devaient ensuite choisir entre l’activité physique et la sédentarité, pendant que les chercheurs sondaient leur activité cérébrale à l’aide d’un électro-encéphalographe muni de 64 électrodes.

Moins de temps, mais plus de ressources

«Nous avons soumis les participants au jeu du mannequin, qui consiste dans un premier temps à diriger un mannequin vers des images représentants une activité physique et de l’éloigner d’images représentants la sédentarité, puis dans un deuxième temps d’effectuer l’action contraire», explique Boris Cheval. Les chercheurs ont ensuite comparé la différence de temps pour approcher la sédentarité et pour l’éviter. «Nous avons constaté que les participants mettaient 32 millisecondes de moins à s’éloigner de la sédentarité, ce qui est important dans une telle tâche», s’étonne Boris Cheval, ce résultat allant à l’encontre de la théorie et du paradoxe de l’activité physique. Mais alors, comment l’expliquer?

Il s’agit ici de la force de la raison. Les participants fuient la sédentarité plus vite qu’ils ne l’approchent, parce que cette action est non seulement en accord avec la consigne donnée par les chercheurs, mais surtout avec leur intention d’être actif physiquement. Ils font alors appel aux ressources nécessaires pour fuir leur penchant naturel qui les poussent à la minimisation de l’effort et réagissent rapidement pour contrer cet «instinct».

«Par contre, nous avons observé que l’activité électrique associée à deux zones cérébrales en particulier, le cortex fronto-medial et le cortex fronto-central, était beaucoup plus élevée que lorsque le participant devait choisir la sédentarité», constate Boris Cheval. Ces deux zones représentent respectivement le combat qui s’instaure entre la raison et les affects, et la capacité d’inhibition des tendances naturelles. «Le cerveau doit donc solliciter beaucoup plus de ressources pour s’éloigner des comportements sédentaires, plutôt que de suivre son penchant pour la minimisation de l’effort», continue le chercheur.

Lutter contre un héritage de l’évolution

D’où vient ce penchant pour la sédentarité? «La minimisation de l’effort était capitale pour l’espèce humaine au cours de l’évolution. Cette tendance à l’économie et à la conservation des ressources augmentait les chances de survie et de reproduction», explique Boris Cheval. «Mais aujourd’hui, nos sociétés modernes rendent cette optimisation énergétique caduque. Il faudrait au contraire encourager l’activité physique au lieu d’offrir des tentations à en faire moins, comme les escalators ou les ascenseurs. Il s’agirait par exemple de modifier l’espace public pour réduire les opportunités des individus de s’engager spontanément dans des comportements associés à une minimisation de l’effort.

>> Contact: Boris.Cheval@unige.ch, +41 22 379 89 42

Source: communiqué de presse UNIGE (18/09/18)

Nouvelle vidéo LIVES : « Normes déroutantes – La banale histoire de Louise »

Le Pôle de recherche national LIVES présente un petit film d’animation de 6 minutes racontant le parcours de vie d’une femme en Suisse. On y découvre les différentes étapes qui peuvent mener d’une enfance sans problème à la vulnérabilité dans la vieillesse. Une histoire inspirée de différents résultats d’études scientifiques sur les inégalités de genre publiées par des membres de LIVES.

Réalisation : y-en-a·com sàrl

Toutes les vidéos de LIVES sont sur Viméo

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La Suisse compte 8% de travailleurs pauvres. Ce serait le double sans les transferts sociaux

Dans un article pour la revue Social Change in Switzerland, Eric Crettaz décrit les quatre mécanismes qui expliquent pourquoi le phénomène des «working poor» est bien présent en Suisse. Non seulement la pauvreté monétaire mais également la privation matérielle sont analysées avec de nouvelles données, montrant quelles sont les catégories de personnes les plus touchées. Le système d’assurances sociales permet de diviser par deux le nombre de travailleurs et travailleuses pauvres.

La pauvreté laborieuse est une réalité en Suisse. Environ 8% des ménages dans lesquels au moins une personne travaille gagnent moins que 60% du revenu médian. Sans les diverses formes de transferts sociaux existants, le taux de «working poor» en Suisse serait de 15%.

Utilisant les données de l’enquête SILC (Survey on Income and Living Conditions) 2015, Eric Crettaz mesure, en plus de la pauvreté monétaire, également le taux de privation matérielle. Ce taux est défini par le renoncement, pour des raisons financières, à au moins trois commodités telles que partir en vacances, faire face à une dépense imprévue, chauffer convenablement son domicile, bénéficier de divers équipements, etc.

Le taux de privation matérielle indique ainsi une situation financière durablement difficile, et s’établit en Suisse à 3% des foyers de personnes actives. Cela concerne principalement les personnes de moins de 40 ans, peu qualifiées, d’origine extra-européenne et les ménages monoparentaux. Les couples avec plus de trois enfants et les travailleurs et travailleuses indépendant·e·s, très représentés parmi les  « working poor », sont moins touchés par la privation matérielle.

Cette différence s’explique notamment par les quatre mécanismes qui, selon Eric Crettaz, mènent à la pauvreté laborieuse : un volume de travail au niveau du ménage inférieur à la moyenne, un faible taux de rémunération, un nombre d’enfants par adulte supérieur à la moyenne, ainsi que l’insuffisance ou l’absence de transferts sociaux, notamment en cas de non-recours aux prestations. Les familles monoparentales et les personnes migrantes sont ainsi particulièrement concernées non seulement par la pauvreté monétaire mais également par la privation matérielle, car elles cumulent plusieurs facteurs de précarité.

>> Crettaz, E. (2018). La pauvreté laborieuse en Suisse : étendue et mécanismes.Social Change in Switzerland No 15. Retrieved from https://www.socialchangeswitzerland.ch

Contact:  Eric Crettaz, +41 22 388 95 32, eric.crettaz@hesge.ch

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités LINES (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

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Pour aider à faire face au deuil ou au divorce, la psychologie en ligne gagne le monde francophone

Une équipe de chercheur·e·s en psychologie de l’Université de Lausanne va répliquer une expérience suisse-allemande très réussie, portant sur une intervention par internet à l’intention de personnes souffrant de la perte d’un être cher. La première version en français de cette thérapie en ligne sera suivie d’une deuxième, avec pour objectif de toucher un nombre plus étendu d’usagers à travers le monde. Le projet vise notamment à voir si la méthode marche également sans accompagnement.

La mort d’un·e conjoint·e ou d’un·e partenaire de vie ainsi que le divorce et la séparation font partie des événements les plus stressants du parcours de vie, dont certaines personnes peinent à se remettre. Les deux cas de figure sont marqués par de nombreuses similitudes, comme le fait de ressentir une tension trop forte entre la réalité objective et ce qu’elle devrait être aux yeux de celui ou celle qui reste.

Alors que la plupart des gens arrivent à retrouver du sens à leur vie au bout de quelques mois, 10 à 15% des personnes touchées par ces deux types de perte éprouvent des symptômes du deuil compliqué, pouvant se manifester notamment par une souffrance intense et persistante au-delà de six mois, des ruminations continuelles, une difficulté notoire à accepter la disparition, un sentiment de perte d’identité, l’impossibilité de se projeter dans l’avenir sans l’autre, et bien d’autres signes encore.

Une pathologie reconnue

L’Association américaine de psychiatrie a fait entrer le trouble du deuil complexe et persistant dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) en 2013, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit d’inclure en 2018 le diagnostic de trouble du deuil prolongé dans la 11e Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-11).

Dans ce contexte, la thérapie assistée par ordinateur peut être un moyen efficace pour aider à surmonter un deuil pathologique. C’est ce qu’a montré une étude menée avec succès de 2016 à 2017 par une équipe de l’Université de Berne dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES, en lien également avec une série de programmes d’auto-guérison par Internet popularisés par le Prof. Thomas Berger.

Le projet d’accompagnement informatique au deuil, intitulé LIVIA, est maintenant étendu à la région romande et à la France grâce à l’implication du Prof. Valentino Pomini et de Dr. Anik Debrot, maître assistante à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne, tous les deux membres de l’IP212 du PRN LIVES. Une doctorante et plusieurs étudiant·e·s en master sont également engagés dans cette recherche.

Résultats « au-delà des attentes »

A Berne, l’expérience du Prof. Hansjörg Znoj et de Dr. Jeannette Brodbeck, en collaboration avec le Prof. Berger, a montré des résultats « au-delà des attentes », souligne l’équipe lausannoise. Portant sur 110 personnes souffrant de deuil compliqué, l’étude LIVIA a comparé l’évolution des participant·e·s ayant suivi la thérapie en ligne avec un groupe de contrôle de personnes mises sur liste d’attente.

Au bout de dix semaines, les taux de douleur psychique aigüe, dépression, amertume et solitude des patients ont fondu par rapport à ceux toujours très hauts du groupe de contrôle, et leur niveau de satisfaction de vie s’est significativement amélioré.

Conseils et exercices

La thérapie commence par une série d’informations décrivant les processus du deuil. Suivent des conseils et des exercices visant à accepter la réalité, reconnaître sa souffrance, s’ajuster à la nouvelle réalité et se reconnecter avec la personne disparue. Dans l’expérience bernoise, les participant·e·s recevaient également des messages d’encouragement, des relances et des questions, afin de maintenir la motivation des patients au plus haut ou les aider à surmonter d’éventuelles difficultés à accomplir des tâches du programme.

Les avantages d’une thérapie en ligne sont nombreux, soulignent les chercheur·e·s : la démarche est anonyme, facile d’accès, bon marché et ne dépend pas de la qualité ou de la disponibilité d’un·e clinicien·ne. Le patient peut aller à son rythme, un aspect qui va être renforcé dans la future version française, où il sera également possible de décider de l’ordre des séquences.

Sans la guidance par e-mail

Le projet lausannois va se dérouler en deux étapes. Dans une première phase pilote, le programme LIVIA sera mis à disposition en français sur le même modèle que la version allemande, mais sans les messages d’accompagnement. L’hypothèse est que les résultats pourraient être tout aussi bons sans la guidance par e-mail.

Dans une deuxième phase, une nouvelle version de LIVIA en français sera testée avec des modules plus courts, plus standardisés, comprenant l’ajout de vidéos et d’un forum de discussion pour les participant·e·s. Les informations délivrées et les tâches à réaliser seront plus fortement marquées par les dernières avancées de la psychologie positive afin de mieux répondre aux quatre besoins psychologiques fondamentaux que sont l’orientation et le contrôle, l’attachement, le plaisir et la valeur personnelle.

300 millions de locuteurs francophones

Selon Anik Debrot, « il y a un boom dans le monde des thérapies en ligne, mais très peu ont été testées scientifiquement en français, et il n’existe encore rien de validé sur la question du deuil dans cette langue. »

Or le réservoir de patients potentiel est énorme, avec 300 millions de locuteurs francophones dans le monde. Une thérapie en ligne sans guidance, plus standardisée et offrant davantage de flexibilité, si elle fonctionne aussi bien que la démarche guidée, pourrait ainsi atteindre un nombre beaucoup plus étendu de personnes.

Peu d’espace pour le deuil

A une époque où la mort n’est plus accompagnée d’autant de rites religieux et sociaux que par le passé, et où le phénomène du divorce s’est largement généralisé, tout le monde peut être concerné par un deuil compliqué sans forcément trouver d’espace adéquat pour tenter d’en sortir.

Le projet LIVIA, approuvé par la Commission cantonale (VD) d'éthique de la recherche sur l'être humain, pourrait donc fournir une aide bienvenue à celles et ceux qui souffrent en silence de la perte d’un être cher, sans avoir encore trouvé les moyens de remonter la pente. Les personnes intéressées à participer à l’étude test peuvent s’annoncer auprès de l’équipe.

 >> Contact: Anik Debrot, anik.debrot@unil.ch, 021 692 32 88

>> Inscriptions en ligne

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Pratiques sexuelles des jeunes en Suisse: beaucoup de choses ont changé en 20 ans

La sexualité des jeunes est globalement saine. Voici la principale conclusion de l’enquête nationale sur la santé et les comportements sexuels des jeunes adultes en Suisse réalisée sous la responsabilité de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) du CHUV et avec la collaboration de l’Hôpital universitaire de Zurich. Autres constats: internet joue un rôle toujours plus important dans les activités sexuelles des jeunes en Suisse et les femmes sont plus nombreuses à faire état d’expériences sexuelles non désirées et d’abus sexuels.

Contactés de manière aléatoire au cours du deuxième semestre 2017, 7142 jeunes âgés de 24 à 26 ans ont répondu en ligne aux questions d’un groupe de chercheurs et chercheuses de l’IUMSP/CHUV, du Pôle de recherche national LIVES à l’Université de Lausanne et de l’Hôpital universitaire de Zürich.

« Globalement, la plupart des jeunes en Suisse ont une santé sexuelle saine », résume le Prof. Joan- Carles Suris, responsable du Groupe de recherche sur la santé des adolescents (GRSA) au sein de l’IUMSP, investigateur principal de l’étude financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Au moment de l’enquête, 75% des jeunes étaient dans une relation stable qui avait débuté vers leurs 22 ans. 95% avaient déjà eu une ou un partenaire sexuel au cours de leur vie et 86% n’avaient expérimenté que des contacts hétérosexuels. L’âge moyen du premier contact sexuel se situe juste en-dessous de 17 ans. Presque tous les jeunes ont déjà pratiqué le sexe oral (96%) et la pénétration vaginale (95%). Le même pourcentage de femmes et d’hommes (49%) a indiqué avoir déjà expérimenté le sexe anal. Ils sont une très petite minorité à avoir expérimenté le sexe en groupe ou à utiliser des médicaments pour améliorer les performances sexuelles.

Activités sexuelles en ligne

Beaucoup de choses ont changé en matière de sexualité au cours des vingt dernières années, marquées entre autre par la banalisation du sida et l’apparition d’internet. Plus de la moitié des jeunes ont ainsi déjà eu recours à un site ou une application de rencontres, soit 62% des hommes et 44% des femmes. Les hommes sont 48% à avoir eu un rendez-vous avec une personne rencontrée sur internet (43% pour les femmes) et 36% à avoir une conversation érotique en ligne (28% pour les femmes). 35% des hommes (22% des femmes) ont déjà eu une relation sexuelle avec une personne rencontrée sur internet. Des études approfondies sur la fréquence et les risques potentiels encourus lors d’activités sexuelles en ligne seraient nécessaires.

Contraception

Dans une large majorité (93%), les jeunes se protègent lors de leur premier rapport sexuel, principalement avec le préservatif masculin (84%). « Il est réjouissant de voir que beaucoup de jeunes adultes ont déjà le réflexe de se protéger, même si un taux encore plus élevé serait souhaitable », constate la Prof. Brigitte Leeners, cheffe du service d’endocrinologie et de reproduction de l’Hôpital universitaire de Zurich. La contraception évolue toutefois avec l’âge. Lors de leur dernière relation sexuelle, les méthodes de contraception et de protection les plus utilisées étaient le préservatif (54%) et la pilule (45%). Enfin, près de la moitié des femmes ont déjà eu recours à la pilule du lendemain.

Cependant, même si le taux d’utilisation du préservatif est assez élevé, une infection sexuellement transmissible (IST) a été diagnostiquée auprès de 10% des jeunes. Enfin, 45% des jeunes ont déjà fait un test de dépistage du VIH, avec un résultat négatif pour la quasi-totalité des cas.

Les femmes sont largement plus nombreuses que les hommes à avoir accepté une expérience sexuelle sans vraiment le désirer (53% contre 23%). Comme première raison, elles indiquent l’avoir fait pour garder une bonne relation avec leur partenaire. 16% des femmes ont indiqué avoir été victimes d’un abus sexuel ou d’un viol, contre 2.8% chez les hommes. Une petite minorité (3,7% chez les hommes, 2,8% chez les femmes) de jeunes échangent des faveurs sexuelles contre de l’argent, des cadeaux ou des avantages.

Renseignements :

  • Prof Joan-Carles Suris, CHUV, Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 021 314 73 75 / 079 556 84 29 joan-carles.suris@chuv.ch (français)
  • Prof Brigitte Leeners, Universitätsspital Zürich, Klinik für Reproduktions-Endokrinologie, 044 255 50 09 Brigitte.Leeners@usz.ch (allemand)
>> Barrense-Dias, Y., Akre, C., Berchtold, A., Leeners, B., Morselli, D., Suris, J-C. (2018). Sexual health and behavior of young people in Switzerland. Lausanne, Institut universitaire de médecine sociale et préventive.