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Internet a-t-il modifié les rapports amoureux ? Un projet de recherche ambitionne de le découvrir

Chercheuse post-doc au Pôle de recherche national LIVES et assistante à l’Université de Genève, Gina Potarca a reçu un subside « Ambizione » du Fonds national suisse de la recherche scientifique afin d’étudier les effets des technologies numériques sur les relations amoureuses contemporaines et la formation des couples.

Au cours des dernières années, la drague sur Internet, en particulier via les applications sur smartphone, est devenue un des moyens les plus répandus de rechercher un·e partenaire. Cela a profondément transformé les dynamiques de rencontres, en offrant une abondance sans précédent d’opportunités, à moindre effort et sans intervention de tiers. Les observateurs débattent vivement des altérations que les nouvelles technologies provoqueraient sur l’essence-même des rapports amoureux. Certains affirment qu’Internet creuserait les inégalités socioéconomiques (en connectant les plus avantagés avec des personnes de même profil), et menacerait l’existence de relations stables (une offre illimitée de choix possibles rendant les gens incapables de s’investir dans une histoire d’amour exclusive). Jusqu’à présent, la recherche scientifique ne s’est pas illustrée dans cette discussion ; elle s’est surtout intéressée aux critères de recherche et aux premiers échanges dans les phases initiales des contacts en ligne, sans regarder sur quoi ils débouchaient.

Le projet de Gina Potarca étudiera de manière approfondie les conséquences de ce nouveau contexte historique de quête et de sélection de partenaires amoureux. Il pose deux questions fondamentales : en premier lieu, est-ce qu’Internet contribue à la reproduction des inégalités sociales à travers le mariage ? Et deuxièmement, est-ce les nouvelles technologies entraînent un déclin général de l’engagement dans une relation suivie ? Ces deux interrogations visent à mieux comprendre si les rencontres sur Internet changent le profil des personnes qui se mettent en couple, qui s’assemble avec qui, et pour combien de temps.

Son projet a reçu le financement du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre des subsides « Ambizione » et va commencer tout début 2018. Cette recherche démarre à point nommé pour saisir sur le vif les conséquences démographiques d’une révolution technologique en plein essor.

Comprendre les mutations amenées par Internet

« Les manières dont les gens utilisent les outils en ligne pour entrer en contact et construire leurs relations amoureuses ont des répercussions sur leur bien-être, leurs comportements reproductifs, mais aussi sur la reproduction des inégalités au sein des populations. Il est donc impératif de comprendre toute mutation potentielle que l’utilisation d’Internet risque d’entraîner dans le paysage amoureux contemporain, ce qui pourrait impliquer également des conséquences étendues à long terme sur l’évolution sociodémographique », souligne la chercheuse dans son descriptif de projet.

Gina Potarca prévoit d’utiliser et de croiser des données de panel américaines, allemandes et suisses, ainsi que des données d’enquêtes transversales suisses et françaises. Son étude permettra de retracer pour la première fois les processus de rencontre en ligne dans le temps et à travers différents pays, de manière rigoureusement longitudinale et en portant une attention spécifique aux effets de sélection. Elle a été personnellement impliquée dans l’adaptation des enquêtes de panel, notamment l’américaine et en particulier l’allemande, afin d’inclure des questions sur l’endroit où les couples se sont rencontrés et où les célibataires cherchent un·e partenaire. D’autres sources de données sont en passe d’être adaptées dans le même sens.

Les subsides Ambizione visent à soutenir durant quatre ans des jeunes chercheuses et chercheurs qui souhaitent réaliser, gérer et diriger un projet planifié de manière autonome au sein d'une haute école suisse. À la mi-janvier 2017, 289 jeunes chercheuses et chercheurs ont déposé une requête dans le cadre d'Ambizione. Après un processus de sélection en deux étapes, le FNS a attribué 89 nouveaux subsides. Avec 32 subsides octroyés à des femmes (soit 36 %), l'objectif des 35 % de bénéficiaires féminines a été atteint.