Fondation Leenaards / Caravel Production

Un projet sur la garde des enfants par les grands-parents obtient une bourse de la Fondation Leenaards

Le Prof. Eric Widmer, co-directeur du Pôle de recherche national LIVES, et une équipe de cinq chercheurs et chercheuses de l'Université de Genève, ont obtenu un prix « Âge et Société » de la Fondation Leenaards le 29 novembre 2016. Leur projet vise à étudier les relations entre grands-parents et enfants adultes, s'agissant de la garde des petits-enfants quand celle-ci est régulière. Les données de l'enquête Vivre-Leben-Vivere (VLV) seront exploitées et des entretiens qualitatifs sont prévus.

« Garde des petits-enfants et ambivalence intergénérationnelle »

La prise en charge des petits-enfants par les grands-parents est le mode de garde privilégié par un grand nombre de parents en Suisse, en raison notamment de l’accès difficile à certaines structures d’accueil. Perçu comme « normal », ce type de garde n’est en soi jamais questionné. Il offre cependant un cadre et des conditions à même de révéler toute la complexité et l’ambivalence qui caractérisent les relations entre parents et enfants. Il est donc aujourd’hui fondamental de s’interroger quant à son impact sur la qualité de vie des grands-parents gardiens.

L’hypothèse générale de cette recherche est que la prise en charge des petits-enfants déséquilibre les échanges au sein de la relation intergénérationnelle. Les parents se placent ainsi dans une situation de dépendance, qui peut générer des tensions, les grands-parents pouvant être tentés de s’immiscer dans les choix de vie de leurs enfants (éducation, temps libre, vie amoureuse, etc.). Ainsi, la garde des petits-enfants peut susciter de l’ambivalence, en promouvant à la fois la solidarité – source d’émotions positives et de satisfaction – et des tensions dans toute la configuration familiale, avec potentiellement des effets délétères sur le bien-être des grands-parents gardiens.

Méthodologie et résultats attendus

Cette étude comportera deux volets, l’un quantitatif et l’autre qualitatif. Elle exploitera dans un premier temps les données de l’étude VLV (Vivre/Leben/Vivere) portant sur les conditions de vie et de santé des personnes âgées en Suisse. Elle donnera lieu, dans un deuxième temps, à des entretiens approfondis d’une dizaine de dyades mères/ grands-mères. Cette étude sera conduite sous l’égide de l’Observatoire des familles de l’Université de Genève, ainsi que du PRN LIVES.

Cette étude permettra de mettre en exergue le processus d’émergence de l’ambivalence et ses différentes formes autour de la garde des petitsenfants, ainsi que la manière dont elle est vécue par les mères et les grands-mères. Ces résultats feront l’objet de publications scientifiques et seront diffusés auprès de Cité Seniors et à l’Ecole des grands-parents de Suisse romande, sous la forme d’une documentation et/ou présentation à l’intention des personnes âgées.

Equipe de recherche: Prof. Eric Widmer, Prof. Michel Oris, Dr. Manuel Tettamanti (HUG), Dr. Marie Baeriswyl, Dr. Olga Ganjour, Myriam Girardin.

Source: http://www.leenaards.ch/prix/prof-eric-widmer/

Voir également le film réalisé par Caravel Production:

Première journée romande de psychologie positive à Lausanne, ouverte aux professionnels

Première journée romande de psychologie positive à Lausanne, ouverte aux professionnels

La 1ère Journée Romande de Psychologie Positive aura lieu le 17 février 2017 à l’Université de Lausanne sur le thème "Ressources personnelles et interventions positives pour l'éducation, le monde professionnel et la santé". Co-organisée par l'Institut de psychologie de l'UNIL, le Pôle de recherche national LIVES et la Haute École de Musique de Lausanne en collaboration avec la Société Suisse de Psychologie Positive, cette journée réunira des praticien·ne·s et spécialistes ainsi que des chercheur·e·s. Deux conférences plénières et quatre ateliers-réflexion sont au programme, ainsi qu’une table ronde et un apéritif en musique assuré par Alsibana Saxophone Quartet.

Les individus éprouvent aujourd’hui un besoin marqué de développer des ressources personnelles telles que l’espoir, l’optimisme, la gratitude, le sens de la vie ou la pleine conscience. De telles ressources ont le potentiel d’aider à surmonter ou à prévenir l’apparition de dynamiques de vulnérabilité, ainsi qu’à s’épanouir et s’accomplir pleinement. Elles font l’objet d’études en psychologie positive, une branche de la psychologie qui étudie « les conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement et au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions » (S. L. Gable, & J. Haidt).

Cette journée fait suite à une une initiative de la Société Suisse de Psychologie Positive (SWIPPA). Elle vise à rassembler des praticien·ne·s et spécialistes actifs dans les domaines de l’éducation et la formation, le monde du travail, le conseil en orientation et en carrière ou les soins médicaux et la santé, ainsi que des chercheur·e·s francophones intéressé·e·s par la thématique. L’objectif est de découvrir, réfléchir, et échanger sur les ressources positives et sur les stratégies d’intervention possibles dans ces différents domaines d’activité professionnelle.

CONFÉRENCES PLÉNIÈRES

  • Psychologie Positive, entre innovation et problématiques revisitées
    > Charles MARTIN-KRUMM, Maître de conférences habilité à diriger les recherches - ESPE Rennes, IFEPSA Angers, IRBA Brétigny, APEMAC (Université de Lorraine)
  • Psychologie positive et bien-être durable : quels mécanismes d’action ?
    > Rebecca SHANKLAND, Maître de conférences - Université Grenoble-Alpes

ATELIERS-RÉFLEXION

  • COACHING & MONDE DU TRAVAIL
    Outils pratiques pour augmenter le bien-être et la performance au travail

    > Fanny WEYTENS, Dr. en Psychologie de l’Université de Louvain, Life Coach et Formatrice
  • SOINS MÉDICAUX & SANTÉ PSYCHIQUE
    Le sens de la vie et les ressources au sein de populations cliniques : Présentation de deux outils d’évaluation

    > Tanja BELLIER-TEICHMANN, Psychologue et psychothérapeute FSP, Université de Lausanne
    > Mathieu BERNARD, Dr. en Psychologie, Service de soins palliatifs et de support – CHUV
  • ORIENTATION & CARRIÈRE
    Démarches d’orientation avec les consommateurs de jeux vidéo : guide pratique à l’usage des spécialistes du conseil en orientation et du développement de carrière

    > Shékina ROCHAT, MSc Psychologue conseillère en orientation, Université de Lausanne
  • ÉDUCATION & FORMATION
    Motivation et bien-être scolaire

    > Damien TESSIER, Maître de conférences, Laboratoire Sport et Environnement Social, Université Grenoble-Alpes
    > Rebecca SHANKLAND, Maître de conférences, Université de Grenoble-Alpes

Les ateliers seront suivis d'une table ronde pour intégrer les réflexions générées au cours de ces sessions parallèles. Un apéritif en musique avec Alsibana Saxophone Quartet viendra clôturer la journée.

>> Programme complet (PDF)

>> Résumé des interventions et biographies (PDF)

INFORMATIONS PRATIQUES

  • Date
    Vendredi 17 février 2017 de 8h45 à 17h00
  • Lieu
    Université de Lausanne, Bâtiment Géopolis, salle 1612
  • Les inscriptions sont closes
    Le nombre de participants maximum est déjà atteint.
  • Prix
    (incluant l'accès à la journée, un repas de midi, les pauses et l'apéritif)
    • Étudiant·e·s : 60.- CHF 
    • Membres PRN LIVES, HEMU, Institut de Psychologie UNIL, SWIPPA : 100.- CHF
    • Autres participant·e·s : 150.- CHF
      Pour adhérer à la SWIPPA, veuillez consulter cette page.

COMITÉ SCIENTIFIQUE ET ORGANISATIONNEL

  • Dr. Grégoire Bollmann (Université de Lausanne & PRN LIVES)
  • Prof. Dr. Angelika Guesewell (Haute Ecole de Musique de Lausanne)
  • Dr. Jennifer Hofmann (Université de Zürich & PRN LIVES)
  • Karine Koch (Institut de Psychologie, Université de Lausanne)
  • Dr. Pascal Maeder (PRN LIVES, HES-SO)
  • Emmanuelle Marendaz Colle (PRN LIVES, Université de Lausanne)
  • Luisa Meglio-Vallat (Institut de Psychologie, Université de Lausanne)
  • Prof. Dr. Jérôme Rossier (Université de Lausanne & PRN LIVES)
  • Prof. Dr. Willibald Ruch (Université de Zürich & PRN LIVES)

Renseignements: secretariatip@unil.ch

"Précarité et non-recours aux soins: du constat à l'action" Conférence et table ronde

"Précarité et non-recours aux soins: du constat à l'action" Conférence et table ronde

Une conférence donnée par Héléna Revil, docteure en sciences politiques, Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) de l’Université Grenoble-Alpes, aura lieu le 5 décembre à 18h30 à la Haute école de travail social (HETS) de Genève sur le thème du non-recours aux soins par les personnes en situation de précarité. La conférence sera suivie d'une table ronde avec Yves Jackson (HUG), Claudine Burton-Jeangros (UNIGE) et Dominique Froidevaux (Caritas).

Il est aujourd’hui admis que les inégalités sociales constituent des déterminants importants de la santé. Cependant, les relations entre précarité sociale et non-recours aux soins sont encore peu documentées. Or, amener des réponses de prévention et de promotion de la santé ciblées et pertinentes aux personnes socialement vulnérables reste un enjeu majeur pour nos sociétés qui possèdent pourtant des couvertures maladies dites « universelles ». Les travaux de recherche portant sur le non-recours aux soins, en permettant de mieux connaître les personnes concernées par ce phénomène et les mécanismes qui le sous-tendent, peuvent fournir des points d’appui à la mise en place, par des acteurs publics, de dispositifs expérimentaux visant à limiter, voire à prévenir, le non-recours en matière de santé.

Le 2ème Séminaire régional sur le non-recours se tiendra le mardi 6 décembre en marge de cette conférence et table ronde. Ce séminaire a été initié en 2015 par la Haute école de travail social de Genève (HETS) en collaboration avec l’Institut d’études de la citoyenneté de l’Université de Genève (INCITE, UNIGE) et l’Observatoire des non-recours aux droits et services de Grenoble (Odenore). Son but est de soutenir une dynamique de recherche régionale sur le thème encore peu étudié en Suisse du non-recours.

Le séminaire réunira cette année des chercheuses et chercheurs de la HETS et de la Haute école de Santé de Genève (HEdS), du Département de sociologie de l’UNIGE, de la Haute école spécialisée bernoise (BFH), de la Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (EESP), des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ainsi que de l’Odenore (Grenoble). Il est soutenu par le Pôle de recherche national LIVES.

La veille du séminaire, le 5 décembre à 18h30, une conférence sera donnée par Héléna Revil, docteure en sciences politiques, Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) de l’Université Grenoble-Alpes. Elle sera suivie d’une table ronde avec la participation de:

  • Yves Jackson, Consultation ambulatoire mobile de soins communautaires (CAMSCO), HUG
  • Claudine Burton-Jeangros, Département de sociologie, Université de Genève & PRN LIVES
  • Dominique Froidevaux, Caritas Genève

Modération: Catherine Ludwig, Haute école de santé (HEdS)

Organisation: Barbara Lucas (HETS Genève) et Jean-Pierre Tabin (HETS-EESP Lausanne & PRN LIVES)

Lieu: Haute école de travail social (HETS) - Aula E007, Rue du Pré-Jérôme 1, 1205 Genève (map.search.ch, Google Maps)

>> Programme complet

iStock © DNY59

La rareté des femmes à la tête des grandes entreprises suisses a des raisons historiques

Longtemps écartées de la politique en Suisse, les femmes ont accédé tardivement à des positions de pouvoir dans l’économie et restent aujourd’hui fortement minoritaires dans les conseils d’administration et les fonctions dirigeantes des grandes entreprises. Pour le 7e numéro de la revue Social Change in Switzerland, Stéphanie Ginalski remonte le fil de l’histoire et décrit comment l’inégalité actuelle a été socialement construite.

En comparaison européenne, la Suisse fait figure de cancre au niveau de l’égalité homme-femme, et cela même du côté des élites. Les conseils d’administration des firmes suisses les plus importantes ne recensent qu’une moyenne de 13.9% de femmes, moins qu’en Espagne ou en Italie, et presque trois fois moins qu’en Norvège ! Dans son article Les femmes à la tête des grandes entreprises suisses : une analyse historique des inégalités de genre, Stéphanie Ginalski, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, retrace les grandes étapes de la pénible ascension des femmes dans l’oligarchie économique suisse.

Jusqu’au début des années 1970, les Suissesses sont exclues du droit de vote et d’éligibilité au niveau fédéral. Ce retard considérable par rapport aux autres pays européens se répercute aujourd’hui encore sur la place des femmes dans l’économie, le combat féministe ayant longtemps été monopolisé par la question du droit de vote avant toute autre revendication. Jusqu’à cette époque, les très rares femmes à la tête d’une entreprise l’étaient pour des raisons familiales, et les conseils d’administration sont restés presque exclusivement des bastions masculins, selon une logique de co-optation où la classe sociale et le grade militaire dominaient.

La carte "femme"

Avec l’obtention du droit de vote et d’éligibilité, quelques femmes ont commencé à percer dans les réseaux économiques, principalement dans le secteur de la grande distribution, où la carte femme était censée garantir une meilleure adéquation de la stratégie avec les attentes de la clientèle majoritairement féminine. Mais c’est seulement à partir de la fin du 20e siècle, avec la globalisation économique, que la part des dirigeantes féminines a réellement commencé à croître dans les grandes firmes du pays.

Aujourd’hui, c’est principalement dans les entreprises publiques, d’une part, et dans les multinationales, d’autre part, que s’observe un réel effort en vue d’une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration. Le progrès est dû à la volonté clairement affichée par les directions d’apporter davantage d’égalité homme-femme dans le premier cas de figure, et plus de diversité dans le second. Mais le débat sur les quotas, qui permettraient à la Suisse de rattraper son retard, reste à cette heure encore largement controversé et suscite notamment une vive opposition des milieux économiques.

>> Stéphanie Ginalski (2016). Les femmes à la tête des grandes entreprises suisses : une analyse historique des inégalités de genre. Social Change in Switzerland No 7. Retrieved from www.socialchangeswitzerland.ch

Contact : Stéphanie Ginalski, tél. 021 692 37 75, stephanie.ginalski@unil.ch

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne) LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.

Photo iStock © Steve Debenport

Devenir parents, c’est devenir inégaux, conclut une longue recherche interdisciplinaire

De nombreux couples vivent une situation d’incohérence entre leurs valeurs affichées d’égalité et les comportements qu’ils adoptent l’arrivée d’un enfant. Un paradoxe qui s’explique par le concept de « statuts maître sexués », fil rouge d’un ouvrage réunissant sociologues, psychologues, psychologues sociaux et démographes, sous la direction de Jean-Marie Le Goff et René Levy. Basée sur des données récoltées sur l’Arc lémanique auprès de jeunes parents, cette étude figure aussi dans une autre nouvelle publication, à visée comparative entre plusieurs pays d’Europe, où la Suisse apparaît comme particulièrement traditionaliste.

Pourquoi est-ce que des couples valorisant l’égalité homme femme endossent cependant des rôles bien distincts à partir de la naissance de leur premier enfant ? Parce que la transition à la parentalité est le moment du parcours de vie où s’imposent le plus les « statuts maître sexués », un concept qui met en lumière la façon dont les espaces publics et privés sont alloués dans notre société : « Ainsi, les femmes "peuvent" exercer une activité professionnelle ou d’autres activités extrafamiliales dans la mesure où celles-ci n’entrent pas en conflit avec les exigences du travail familial, et les hommes "peuvent" développer leurs rôles familiaux ou d’autres activités extraprofessionnelles dans la mesure où leur exercice ne prétérite pas leur activité professionnelle », écrivent René Levy et Jean-Marie Le Goff dans leur préface du livre Devenir parents, devenir inégaux. Transition à la parentalité et inégalités de genre, qui paraît ces jours aux éditions Seismo.

L’enquête Devenir parent

En dix chapitres rédigés par une majorité d’auteurs liés aujourd'hui au Pôle de recherche national LIVES, cet ouvrage présente les résultats de l’enquête Devenir parent, dont les données ont été récoltées entre 2005 et 2009 auprès de couples vivant essentiellement dans les cantons de Vaud et de Genève. Trois entretiens étaient réalisés avec chacun des partenaires : juste avant la naissance de leur premier enfant, trois à six mois après l’événement, et enfin quand l’enfant avait dépassé l’âge d’une année. L’analyse des données quantitatives est enrichie dans certains cas par une approche qualitative permettant d'appréhender leurs représentations et leurs ressentis.

Il ressort de cette étude approfondie que « des couples aux pratiques initialement égalitaires se traditionalisent à l’arrivée des enfants, et ce en fonction de facteurs qui ne relèvent pas de leurs intentions, mais de leur insertion dans la structure sociale. » Plusieurs exemples sont évoqués : manque d’un véritable congé paternité, inégalités salariales entre les hommes et les femmes, rareté et coût des structures d’accueil pour les enfants en bas âge, absence de politiques de conciliation travail-famille, inadéquation entre les horaires scolaires et professionnels, et plus généralement profil de l'Etat social. Les auteurs postulent également que les convictions égalitaires des jeunes couples ne font pas toujours corps avec des identités sexuées plus classiques, transmises dans leur propre enfance par le modèle parental et réactivées à l’arrivée d’un enfant.

Cette traditionalisation des rôles ne s’exprime pas seulement à travers le taux d’activité professionnelle - réduit pour la majorité des mères et à temps complet pour la majorité des pères. Elle se constate également dans les soins à l’enfant et le travail domestique, où les femmes assument systématiquement la part la plus importante et la moins valorisante. La persistance de ces pratiques, qui se heurtent aux valeurs d’égalité revendiquées par les jeunes couples, crée une dissonance qui n’est pas sans conséquence sur la satisfaction conjugale des jeunes mères, avec tout le potentiel de conflictualité que cette situation génère.

Questions à Jean-Marie Le Goff, démographe, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne et chercheur associé au PRN LIVES

Les données ont été recueillies il y a dix ans. Depuis l’appareil législatif sur l’accueil de jour des enfants s’est étoffé, et le niveau de formation des femmes n’a cessé d’augmenter. Est-ce que cela se traduit par un meilleur taux d’activité professionnelle des femmes aujourd’hui ?

La thèse des statuts maître sexués consiste à dire que l’insertion professionnelle des femmes reste fortement subordonnée à leur vie familiale, pour des raisons institutionnelles et historiques, et le contraire chez les hommes. En ce qui concerne la formation, il ne faut pas seulement regarder le niveau atteint, mais aussi la formation suivie, notamment si elle mène à des emplois de type féminin, dans lesquels les employeurs offrent plus facilement des possibilités d'aménagement du temps de travail. Ce n'était pas tout à fait l'objet de Devenir parent, mais d'autres travaux montrent que les jeunes femmes choisissent ces formations de manière prépondérante. Par ailleurs, avoir une formation élevée ne protège pas nécessairement. Il existe encore des a priori à l'encontre des jeunes mères de famille, voir l'article dans Le Temps du 1er novembre 2016, qui décrit des femmes qui se font licencier juste après leur congé maternité.

Si vous pouviez refaire l’enquête aujourd’hui auprès d’un échantillon similaire, quelles seraient vos hypothèses ?

Une nouvelle étude n'indiquerait pas forcément de changements par rapport à il y a dix ans. Peut-être un peu plus de pères qui souhaitent diminuer leur temps de travail, mais à 80%, alors que la diminution du temps de travail est plus importante chez les femmes. Il y a néanmoins quelque chose qui me pose beaucoup de questions et qui est en lien avec l'augmentation des naissances hors-mariage en Suisse. Elles représentent maintenant près d’un quart des naissances. Dans les travaux que je mène actuellement avec Valérie-Anne Ryser de FORS, il semble que les couples non-mariés sont un peu différents des couples mariés, notamment parce qu'ils discutent, négocient plus entre eux, sont plus égalitaires. On peut envisager deux scenarii futurs si les naissances hors-mariage continuent à se diffuser, à la manière des pays scandinaves. Dans le premier cas, cette diffusion serait accompagnée d'une diffusion de ce modèle avec plus d'égalité. Dans le deuxième cas, avoir un enfant sans être marié deviendrait banal et serait adopté par tous les types de couples, y compris ceux qui sont plus traditionnels. Une réplication de l'enquête Devenir parent dans quelques années pourrait permettre de mieux comprendre ce qui se passe autour des naissances hors-mariage.

Le rôle des pères continue d’être perçu comme secondaire dans les soins à l’enfant. Constate-t-on la même chose dans les pays aux structures plus égalitaires ?

Il semble que les pères suédois s'investissent plus de par leur obligation de prendre un congé parental. La naissance du premier enfant est le moment au cours duquel se construisent de nouvelles routines, notamment dans l'organisation et la répartition des soins à l'enfant. Un congé paternité peut donc aider à plus d'égalité, mais il ne faut pas négliger ce qui se passe avant la naissance de l'enfant, voire bien avant, comme dit précédemment en ce qui concerne la formation.

Dans l’ouvrage comparatif sur les pays européens, vous relevez qu’en Suisse les pères sont peu motivés à réduire leur temps de travail. Qu’en est-il dans les pays nordiques ?

Le temps partiel n'a pas du tout la même importance en Suède qu'il a en Suisse. Il concerne d'ailleurs souvent les travailleurs âgés, qui quittent ainsi progressivement le marché du travail. La Suède se caractérise plutôt par un modèle dans lequel la crèche n'est pas seulement considérée comme permettant la conciliation famille travail, mais joue un rôle de socialisation de l'enfant, voire d'éducation. Les femmes peuvent ainsi rester à plein temps, ainsi que les hommes, et sans culpabiliser !

>> Jean-Marie Le Goff et René Levy (dir.) (2016). Devenir parents, devenir inégaux. Transition à la parentalité et inégalités de genre. Genève : Editions Seismo, 352 p. (avec Laura Bernardi, Felix Bühlmann, Laura Cavalli, Guy Elcheroth, Rachel Fasel, Jacques-Antoine Gauthier, Nadia Girardin, Francesco Giudici, Béatrice Koncilja-Sartorius, Vincent Léger, Marlène Sapin, Claudine Sauvain-Dugerdil, Dario SpiniManuel Tettamanti, Isabel Valarino, Eric D. Widmer)

>> Nadia Girardin, Felix Bühlmann, Doris Hanappi, Jean-Marie Le Goff and Isabel Valarino (2016). The transition to parenthood in Switzerland: between institutional constraints and gender ideologies. In Daniela Grunow and Marie Evertsson (ed.) (2016). Couples' Transitions to Parenthood. Analysing Gender and Work in Europe. Cheltenham Glos (UK) : Edward Elgar Publishing