Congrès de l'AISLF: Session sur l'ambivalence de l'Etat social et autres appels (famille, genre)

Congrès de l'AISLF: Session sur l'ambivalence de l'Etat social et autres appels (famille, genre)

Le vingtième congrès de l'Association internationale des sociologues de langue française aura lieu du 4 au 8 juillet 2016 à Montréal. Des chercheurs de l'IP205 du Pôle de recherche national LIVES organisent une session et lancent un appel à communications. Délai de soumission: 31 janvier 2016. D'autres membres du PRN LIVES sont également impliqués dans des sessions sur la famille et le genre.

Un des objectifs de l’État social est de répondre à des situations considérées comme socialement problématiques en proposant une médiation entre les différents ordres qui opèrent dans la société : politique (accumulation de pouvoir), économique (accumulation du capital) et domestique (reproduction de la ressource humaine). En dépit de cet objectif, les politiques sociales sont profondément ambivalentes : à la fois pourvoyeuses de ressources pour les ménages (notamment financières), et contraignantes du fait des conditions posées pour en bénéficier (l’activation, la responsabilisation individuelle ou les sanctions). Elles contribuent également à la (re)production d’un ordre des rapports sociaux, par exemple en favorisant en Amérique latine la rematernalisation des femmes bénéficiaires de l’assistance et leur écartement de facto des marchés du travail, en incitant dans différents pays d’Europe les jeunes, du fait de leur âge, à accepter des emplois jugés inappropriés à d’autres âges, ou en proposant dans différents pays des politiques sociales spécifiques pour les peuples autochtones.

L’ambivalence est le fait aussi bien des politiques sociales des pays du Nord que du Sud global, ce qui signifie que l’État social peut et doit être appréhendé comme une structure sociale, à la fois habilitant et contraignant les individus et les groupes. Si l’analyse du phénomène du non-recours commence à apporter des pièces utiles pour une analyse générale de la réception des politiques par leurs publics, cette ambivalence reste largement sous-documentée. C’est la raison pour laquelle nous lançons cet appel à communication. Nous attendons des propositions de communication traitant des questions suivantes (merci de préciser l’axe choisi).

Premier axe : les frontières des politiques sociales

Quelles ressources et quelles opportunités sont fournies par les diverses politiques sociales, à quelles conditions ? Qui est inclus, et qui est exclu, de quoi, et sur quelles bases les frontières symboliques et sociales entre les personnes et groupes sont-elles ainsi dessinées ? Quelles conséquences cela a-t-il d’être d’un côté ou d’un autre de ces frontières ? Dans quel cas peut-on « jouer » avec ces frontières ? Quels sont les enjeux liés au fait de dessiner des frontières, de s’y conformer ou de les disputer ? Comment les appréhender sociologiquement ?

Deuxième axe : les conséquences des politiques sociales sur les capacités d’agir

Comment le fait d’être dedans ou en dehors de tel ou tel type de politiques sociales agit sur la capacité d’agir des acteurs et des actrices sociaux, selon leur sexe, leur appartenance ethnique, leur inscription dans des catégories socio-économiques ? Quels éléments structurels font office de ressources, et quels sont ceux qui au contraire limitent la capacité d’agir, et comment ? Quelles implications ont sur les personnes l’intégration dans certains programmes sociaux ? Comment les ressources et les contraintes liées aux politiques sociales se combinent-elles avec les ressources individuelles et les capacités d’agir ? Que signifie la non-intégration dans certains programmes sociaux ? Quels moyens alternatifs sont mobilisés ?

Nous souhaitons que ces questions puissent être abordées de manière approfondie à partir de cas étudiés dans différents pays et continents.

>> Organisation: IP205 - Jean-Michel Bonvin (Université de Genève), Felix Bülhmann (Université de Lausanne), Jean-Pierre Tabin (EESP/HES-SO), en collaboration avec Blandine Destremeau (Directrice de recherches, CNRS / IRIS / EHESS), Nicolas Duvoux  (Université Paris 8) et Philippe Warin (Directeur de recherches, CNRS, Laboratoire PACTE / Observatoire ODENORE, Grenoble)

>> Contact: Jean-Pierre Tabin

>> http://congres2016.aislf.org

Les autres appels de chercheurs LIVES

Image iStock © pablographix

Les années de haute conjoncture renforcent les inégalités de revenu

Pour son deuxième numéro, la revue Social Change in Switzerland publie un article de Ursina Kuhn (FORS) et Christian Suter (Université de Neuchâtel). Cette étude observe l’évolution des inégalités de revenu en Suisse au cours des vingt-cinq dernières années en combinant huit sources de données. Elle se distingue tant par la durée de la période prise en compte que par la quantité d’informations agrégées et représente ainsi l’analyse la plus complète du phénomène en Suisse depuis 1990. Les auteurs montrent que les inégalités se sont creusées lors des phases de croissance économique, lesquelles ont surtout profité aux revenus les plus hauts.

Ces dernières années, plusieurs études ont examiné les inégalités de revenu en Suisse en arrivant à des conclusions contradictoires. Soit les périodes étudiées ne couvraient que quelques années, soit les études se basaient sur une seule source de données. L’intérêt de cet article est de mettre en perspective une période longue (1990-2012) et d’utiliser la totalité des sources de données en Suisse qui contiennent des informations sur les revenus (sept enquêtes nationales ainsi que les données fiscales).

Autre apport, cette étude couvre non seulement les revenus du travail (les salaires et les honoraires) mais également les revenus disponibles des ménages. Ces derniers comprennent les revenus de tous les membres d’un ménage, incluant les revenus du capital, des rentes ou des assurances sociales, mais soustraction faite des charges sociales, impôts et primes d’assurance-maladie.

On constate ainsi qu’en 2012, le niveau d’inégalité entre les revenus des ménages était semblable à celui du début des années 1990. Entre ces deux dates, les inégalités ont systématiquement suivi les variations de la conjoncture économique : dans les périodes de croissance, les inégalités augmentent et le fossé entre les hauts et les bas revenus se creuse. Cela s’explique par le fait que les plus riches bénéficient des revenus du capital et des bonus. Dans les périodes de récession par contre, la politique sociale a un effet compensatoire sur les revenus des ménages les plus pauvres, notamment par le biais de l’assurance-chômage et de l’aide sociale, mais aussi à travers les retraites.

Enfin la comparaison entre les revenus du travail et les revenus des ménages montre une dynamique intéressante : les inégalités des salaires ont tendance à croître, notamment en raison de la forte augmentation des hauts salaires ainsi que du travail à temps partiel ; mais en même temps, la participation croissante des femmes sur le marché de l’emploi a empêché que les inégalités de revenu des ménages ne s’aggravent.

Cependant, si l’on compare l’évolution salariale des 10% les plus riches avec celle du travailleur moyen, on constate que les écarts se sont accentuées entre 1994 et 2012. Si les salaires réels n’ont augmenté que de 18% pour le travailleur moyen, ils ont fait un saut de 41% pour les 10% les plus riches.

» U. Kuhn et Ch. Suter. L’évolution de l’inégalité des revenus en Suisse. Social Change in Switzerland No 2. Retrieved from http://socialchangeswitzerland.ch

Contact:

Prof. Christian Suter, Université de Neuchâtel, 032 718 14 14 ou 076 381 20 22, christian.suter@unine.ch