SLLS President Elizabeth Cooksey and LIVES PhD Candidate Ignacio Madero-Cabib

Une conférence internationale sur les parcours de vie à Lausanne récompense un doctorant LIVES

Ignacio Madero-Cabib a remporté un prix pour l'un des trois meilleurs posters lors de la conférence annuelle de la Society for Longitudinal and Life Course Studies (SLLS) qui s'est déroulée à l'Université de Lausanne du 9 au 11 octobre 2014. Le Pôle de recherche national LIVES était l'organisateur local de ce congrès, qui comportait plus de 200 présentations, une quarantaine de posters et deux conférences plénières, dont celle du Prof. Giuliano Bonoli de l'Université de Lausanne.

La présidente de la Society for Longitudinal and Life Course Studies (SLLS), Elizabeh Cooksey, professeure de démographie sociale à l'Université de l'Etat d'Ohio (USA), et d'autres membres du comité exécutif de la SLLS ont remis trois prix parmi la quarantaine de posters exposés lors de la 5e conférence annuelle de l'association, qui était accueillie cette année par le Pôle de recherche national LIVES à l'Université de Lausanne:

  • Jennifer Tork, de l'Université de Bielefeld, Allemagne, pour son poster Overcoming the risk of low levels of education by the ability of resilience
  • Julie Falcon, qui après une thèse à l'Université de Lausanne est passée par l'Université de Stanford (USA) et se trouve maintenant au Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung (WZB), pour son poster Transitions from school to work in time of crisis: Do younger generations really face worse career prospects than older ones at labour-market entry? 
  • Ignacio Madero Cabib, doctorant LIVES à l'Université de Lausanne, qui vient de passer un semestre au WZB également, pour son poster Life course determinants of retirees' subjective and objective well-being in Switzerland and Germany, réalisé avec la Prof. Anette Fasang, de l'Université Humboldt à Berlin.

La conférence a réuni près de 300 délégués venus de 23 pays, autour de 5 sessions parallèles comprenant environ 200 présentations. Le thème de cette année portait sur les politiques sociale dans une perspective parcours de vie, avec des accents sur la santé, l'éducation, l'emploi, la pauvreté, la famille, l'enfance, le grand âge, la migration, les questions de genre, les dépendances, les pratiques religieuses et les questions de méthode. Un atelier méthodologique d'une journée a d'ailleurs précédé la conférence le 8 octobre, animé par des membres du PRN LIVES.

Deux conférences plénières ont jalonné le congrès. Lors de l'ouverture, Giuliano Bonoli, professeur de politique sociale à l'Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) de l'Université de Lausanne et membre de l'IP4 du PRN LIVES, a consacré son intervention à la stratégie de l'investissement social. Utilisant des données de plusieurs sources, dont certaines études menées par son équipe, il a montré les limites mais également les promesses de l'investissement social. La préscolarisation par exemple, dont on connaît maintenant l'impact sur la performance scolaire ultérieure, profite pour l'instant surtout aux classes moyennes: c'est le fameux "effet Matthieu". Les politiques sociales ont donc un rôle à jouer pour faire en sorte que les plus défavorisés aient également accès à des places en crèche, par exemple en bénéficiant de tarifs adaptés au revenu. Le Prof. Bonoli a appelé de ses voeux davantage de recherche sur la question.

Autre invitée vedette, Kathleen Kiernan, professeure de politique sociale et de démographie à l'Université de York (GB), a abordé l'impact de l'environnement familial sur les jeunes enfants. Tirant ses données de l'étude longitudinale UK Millenium Cohort Study, elle s'est intéressée aux capacités cognitives et au comportement des enfants de moins de 5 ans, et montre que la pauvreté a un impact négatif sur les deux dimensions, mais que "l'affection parentale est plus importante que la richesse" pour améliorer les compétences des enfants.

Tout au long des trois jours de conférence, de multiples tweets ont été émis par des participants en utilisant le hashtag

Photo Michelle Gibson © iStock

Les politiques sociales au coeur des débats du 3e Colloque Pauvreté

Les 2 et 3 octobre 2014, plus de 250 personnes se sont réunies à l'Université de Lausanne pour réfléchir aux mesures destinées à réduire la précarité. Soutenue par le Canton de Vaud, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), l'Université de Lausanne, le Centre de compétences suisse pour les sciences sociales FORS et le Pôle de recherche national LIVES, la troisième édition du Colloque biennal sur la pauvreté a réuni des délégués d'organes fédéraux ou cantonaux, d'organisations non gouvernementales et de fondations, ainsi que du monde de la recherche.

Walter Schmid a ouvert le colloque structuré en 8 conférences plénières et 13 ateliers. L'ancien président de la Conférence suisse des Institutions d'action sociale (SKOS/CSIAS) a donné un discours passionné sur le thème de l'aide sociale en Suisse, actuellement fortement menacée selon lui. Au cours des dernières années, des requérants d'asile ont vu leur assistance réduite à une simple aide d'urgence; dans certains cantons comme Berne, les prestations d'aide sociale ont diminué de 10%. Si cette tendance devait continuer, a averti Walter Schmid, le système suisse de protection sociale, complexe et fragmenté, pourrait se transformer en un système à deux vitesses où un nombre croissant de personnes recevrait beaucoup moins que les prestations minimum actuelles, pour l'instant fixées à 60% du revenu médian en Suisse.

Une question de justice?

Mais qu'est-ce qui justifie le maintien de telles dépenses par l'Etat social? D'une manière ou d'une autre, la plupart des conférences ont répondu à la question. Pour Walter Schmid, la réponse est claire: l'Article 12 de la Constitution fédérale garantit le "droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine".

Peter Sommerfeld, professeur à la Haute école de travail social de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse, a présenté une vision quelque peu différente. S'exprimant sur le rôle du travail social dans la lutte contre la pauvreté, il a justifié les politiques publiques comme une forme de justice sociale tirant sa légitimité dans un besoin de bien-être ancré lui aussi dans la constitution. S'inspirant de l'approche des capabilités, Peter Sommerfeld estime que la pauvreté doit être comprise comme un déficit de bien-être; la meilleure manière d'y remédier serait donc de concentrer les efforts sur les capacités des individus, plutôt que de focaliser sur des chiffres tels que le revenu médian.

Loin de considérations éthiques, Jacques Donzelot de l'Université Parix X Nanterre a retracé l'histoire des politiques de lutte contre la pauvreté, montrant que deux motivations intimement liées ont toujours façonné les politiques sociales, et tout spécialement celles contre la précarité: la charité et le contrôle social. C'est particulièrement le cas du système pré-moderne de patronage philanthropique, du système de sécurité sociale dans les sociétés industrialisées, basé sur les assurances, ou des politiques actuelles contre l'exclusion sociale qui, selon Jacques Donzelot, maintiennent aujourd'hui la cohésion sociale dans le but de mobiliser les citoyens contre le monde extérieur.

Diversité des trajectoires

La question reste ouverte de savoir si Jacques Donzelot avait la société française à l'esprit en évoquant le caractère défensif des politiques de cohésion sociale. Cela dit, le colloque a clairement montré la diversité des personnes touchées par la pauvreté et par les politiques sociales destinées à la contrer. La conférence de Morgane Kuehni, Professeure à la Haute école de travail social et de la santé - EESP Lausanne (HES-SO), s'est attachée à illustrer cette diversité s'agissant des "working poor": certains ressentent de la honte et de la révolte envers leurs conditions de vie, d'autres s'y sont résignés, alors que d'autres encore ne montrent aucun scrupule.

Monica Budowksi, Professeure à l'Université de Fribourg, et Robin Tillmann, Directeur du Panel Suisse de Ménages chez FORS, ont également illustré cette diversité en évoquant les difficultés que rencontrent les chercheurs en sciences sociales pour analyser et mesurer la pauvreté. Celle-ci varie en intensité selon les moyens et les indicateurs utilisés par les études.

Au fil des 13 ateliers, il a encore été question de diversité des acteurs et des politiques en lien avec la pauvreté. Les thèmes ont porté sur l'endettement, l'aide en nature, la pauvreté chez les jeunes et chez les aînés, le logement, la santé et l'emploi. D'autres sujets étaient plus spécifiques, comme le "case management" ou la collaboration entre les nombreuses institutions sociales publiques. Tous ces ateliers commençaient par une présentation d'un chercheur ou d'une chercheuse et une présentation d'un-e praticien-ne, suivies par une discussion ouverte permettant l'échange d'idées, d'expériences et de connaissances, et favorisant ainsi les contacts entre les domaines professionnels et les disciplines académiques.

Pas de politique unique

Sans surprise, pour être traduite dans des politiques concrètes, cette diversité réclame des actions concertées. Bea Cantillon, de l'Université d'Anvers, en a donné les raisons en présentant la perspective de l'investissement social.

Dénonçant la perte du pouvoir d'achat parmi des couches grandissantes de la population suisse, Pierre-Yves Maillard, Conseiller d'Etat vaudois, s'est attardé quant à lui sur les rouages des politiques de lutte contre la pauvreté dans son canton, et a défendu sa stratégie de mesures spécifiques allant de pair avec les assurances connues et institutionnalisées en matière de santé, d'invalidité et de vieillesse. Il a expliqué que l'Etat de Vaud a mis en place des soutiens pour les familles, les étudiants, le logement et les soins, ainsi que pour l'emploi des jeunes et des femmes. Il a également mentionné que le canton a lancé un programme de prévention de la pauvreté passant par des projets dans les écoles et l'accueil de la petite enfance.

Enfin Gabriela Felder, directrice du Programme suisse de prévention et de lutte contre la pauvreté à l'Office fédéral des assurances sociales, a présenté ce programme lancé en 2014, démontrant encore une fois la grande diversité d'envergure, d'approche et de mise en oeuvre s'agissant des questions de pauvreté. Les projets concernés tournent autour de quatre axes: l'accès des enfants et des jeunes adultes à la formation, l'intération professionnelle, les conditions de vie ainsi que le suivi des mesures. Prévu jusqu'en 2018, ce programme sera doté d'un budget de 9 millions de francs.

Pascal Maeder, responsable LIVES du transfert de connaissances

Retrouvez le programme du colloque 

Image mwpenny © iStock

"Venir d’ailleurs, vieillir ici" : une journée sur les populations âgées issues de la migration

Dans le cadre de la Semaine de la diversité organisée par le Canton de Genève, la Fédération Maison Kultura et le Groupe Intermigra de la Haute école de travail social de Genève ont tenu le cinquième Forum Romand sur l’interculturalité le jeudi 2 octobre 2014. Cette édition a été consacrée au vieillissement des populations issues de la migration et à ses enjeux en termes de politiques publiques et de travail social. Les modératrices des échanges reviennent sur cette journée pour en dégager les principales conclusions.

Au niveau fédéral, les populations âgées issues de la migration constituent depuis la fin des années 2000 une thématique mise à l’agenda de la politique de la vieillesse. Toutefois, ces populations n’émergent pas forcément comme public-cible des politiques de la vieillesse qui sont du ressort des communes et des cantons. Ces politiques touchent des domaines aussi variés que la mobilité, le logement, l’accès aux soins à domicile, les séjours en Etablissement médicaux sociaux, les activités culturelles et sportives, la formation, l’accès aux prestations complémentaires, ou encore le soutien aux démarches administratives.

Aujourd’hui, la prise en compte par les politiques locales des migrants âgés dépend en grande partie de la volonté des services publics et/ou des milieux associatifs. La journée « Venir d’ailleurs, vieillir ici » s’est donc donnée pour objectif de mieux comprendre les besoins et les enjeux en la matière, en croisant les résultats de recherches récentes avec les expériences des professionnels engagés auprès de ces populations. L’enthousiasme pour cette thématique étant au rendez-vous, les échanges ont été riches et intenses.

Conditions de vie des migrants âgés à la lumière des parcours de vie

Claudio Bolzman, Professeur à la Haute école de travail social et chef de l'IP2 du Pôle de recherche national LIVES, a présenté les résultats de trois recherches sur le vieillissement et la migration en Suisse. Il s’agit de l’étude Vivre / Leben / Vivere – Au-delà de la démocratisation du grand âge: progrès et inégalités, soutenue par LIVES, au sein de laquelle il coordonne un projet sur les personnes âgées originaires d’Italie, d’Espagne et du Portugal, et à laquelle participent Laure Kaeser et Giacomo Vagni. Il est également responsable, avec Théogène-Octave Gakuba, d’une recherche financée par la Fondation Leenards sur la qualité de vie des personnes âgées issues de l'immigration africaine et latino américaine. Enfin, il coordonne un projet sur les conditions de vie des personnes âgées d’origine roumaine, auquel a participé Oana Ciobanu.

Les résultats de ces recherches montrent que ces populations représentent une part croissante et hétérogène des populations âgées en Suisse. Leurs conditions de vie découlent en effet d’un parcours de vie marqué par le processus migratoire : conditions socioéconomiques et politiques dans le pays d’origine, motifs de migration, statut juridique dans le pays d’arrivée et accès aux droits sociaux et civiques, trajectoires professionnelles, familiales et de santé, et liens transnationaux et intergénérationnels.

Rémi Gallou, chercheur à la Caisse Nationale d’Assurance vieillesse en France, a ensuite présenté les résultats d’une enquête sur le vieillissement et le passage à la retraite des populations âgées résidant en France, et a également mis l’accent sur le poids de l’institutionnalisation des parcours de vie pour comprendre les différences nationales dans le domaine : les conditions de vie des populations âgées issues de la migration sont le produit d’un enchevêtrement entre, d’une part, les politiques migratoires et de l’emploi qui ont joué un rôle essentiel dans leurs trajectoires professionnelles, et d’autre part les politiques sociales qui impactent leurs conditions économiques au temps de la retraite, l’ensemble de ces politiques étant fortement déterminées par les contextes sociopolitiques des pays d’origine et d’arrivée.

Enjeux pour la recherche et le travail social

L’après-midi a été consacré aux expériences et attentes des professionnel.le.s. Les intervenant.e.s ont souligné l’importance de la prise en compte des besoins : « Si l’on veut proposer des mesures adaptées aux personnes issues de la migration, il faut écouter le terrain », a estimé Elma Hadzikadunik, responsable de Âge et migration à l’Entraide protestante suisse (EPER). Tou.te.s signalent l’abondance d’information, la qualité des prestations sociales et de santé, et le nombre important des activités socioculturelles pour les personnes âgées résidant en Suisse.

Mais des barrières à l’accès existent malheureusement souvent pour les personnes issues de la migration, et ce pour différentes raisons : manque de maîtrise de la langue locale, analphabétisme, volonté de « ne pas faire de vagues », comme l’a exprimé Ali Agraniou, représentant de Seniors d’ici et d’ailleurs à la Ville de Genève, ou encore appréhension des tâches administratives, etc. Toutefois, « ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas demandeurs », a également relevé Patricia Abd El Kader, responsable de Pays’Âge, une association grenobloise.

Comme l’a rappelé Anatole Tshizubu Malu, responsable de l’Université populaire africaine en Suisse, des lieux de rencontre où peuvent s’échanger les expériences communes seraient une première solution pour palier les difficultés d’accès. D’autres solutions ont également émergé de la discussion : former les prestataires de services pour les personnes âgées à la problématique de la migration, valoriser et échanger les compétences entre parties prenantes, mobiliser les communautés d’origine comme relais entre prestataires et personnes âgées issues de la migration, sans que ces acteurs communautaires ne se substituent aux services pour la vieillesse déjà existants.

Bref, il s’agit de sensibiliser les différents acteurs impliqués – y compris les chercheurs – à la question de la diversité du vieillissement, mais également de valoriser les parcours de vie des populations d’origine étrangère afin de ne pas faire exister les immigrés « que par les problèmes qu’ils posent à la société » (Abdelmalek Sayad, 2006, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité).

Par Laure Kaeser et Oana Ciobanu

Informations 

  • Bolzman C., Fibbi R., Vial M. (1999) "Les Italiens et les Espagnols proches de la retraite en Suisse: situation et projets d'avenir", Gérontologie et société, 91 : 137–151.
  • Bolzman C., Poncioni R., Vial M., Fibbi R. (2004) "Older labour migrants’ wellbeing in Europe : the case of Switzerland", Ageing and Society, 24(3) : 411-429.
  • Programme Senior d’ici et d’ailleurs de la Ville de Genève
  • Programme Âge et migration de l’Entraide Protestante Suisse