Forte affluence à la conférence publique sur les trajectoires de chômeurs en fin de droits

Forte affluence à la conférence publique sur les trajectoires de chômeurs en fin de droits

La Cour des comptes du canton de Genève et le Pôle de recherche national LIVES ont fait salle comble mercredi 18 novembre 2015 à l’Université de Genève pour la présentation d'une évaluation de l’impact des politiques genevoises de réinsertion professionnelle. Le débat qui a suivi a été à la mesure du constat : grave.

Syndicalistes, travailleurs sociaux, représentants de services publics, d’ONG et d’associations ou simples chômeurs : ils étaient environ 130 mercredi soir à Uni Mail aux côtés de quelques chercheurs pour assister à la conférence d’Eric Moachon et Matthias Studer sur les trajectoires de chômeurs en fin de droits à Genève.

La présidente de la Cour des comptes, Isabelle Terrier, a commencé par rappeler le contexte du rapport publié en avril 2015, dont la partie quantitative a été confiée à des chercheurs de l’Université de Genève travaillant dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES. Cette étude porte sur 22'600 chômeurs arrivés en fin de droits entre 2007 et 2012, un travail « fouillé et original », a-t-elle déclaré, axé sur les parcours de vie et le passage entre différents dispositifs de réinsertion.

Puis Eric Moachon, évaluateur à la Cour des comptes, et Matthias Studer, chercheur en socio-économie au sein de LIVES, ont présenté les principaux résultats de recherche qui utilise les outils méthodologique développés au sein de l’IP214 de LIVES.

Le nombre de personnes arrivées au terme de leurs indemnités de chômage à Genève sans avoir retrouvé d’emploi a augmenté d’un tiers en quelques années. En combinant les données administratives de l’assurance chômage, de l’Hospice général, de la Centrale de compensation AVS/AI et de l’Office cantonal de l’emploi, le rapport sur les trajectoires de chômeurs entre 2007 et 2012 a pu dresser un tableau exhaustif du parcours des individus concernés.

L'impact de la politique

On constate au début de cette période l’impact d’une décision politique majeure : la suppression des emplois temporaires cantonaux (ETC), qui permettaient de rouvrir un droit aux allocations chômage une fois la mission terminée, un effet « carrousel » qui voyait les mêmes personnes alterner entre ETC et chômage pendant plusieurs années.

Le rapport décrit également d’autres types de mesures, comme les emplois solidarité ou les allocations de retour en emploi. Il compare différentes cohortes de chômeurs en fin de droits au fil du temps, et permet de voir sur quel type de situation chaque prestation a débouché.

Les chercheurs soulignent que le portrait robot des chômeurs en fin de droits a évolué : en 2012 il s’agissait en moyenne de personnes mieux formées et plus jeunes qu’en 2007, où les profils étaient moins facilement réinsérables sur le marché de l’emploi. Mais entre-temps la situation économique a empiré et les dispositifs de soutien aux chômeurs en fin de droits se sont raréfiés. Résultat : le nombre de mois passés sans aucune prestation ni emploi s’est allongé et le nombre de personnes vivant avec un revenu en dessous du minimum vital de 2500 francs bruts a augmenté de 50%.

« La trappe du chômage a été remplacée par la trappe de la pauvreté », a déclaré à l’heure du bilan le Prof. Jean-Michel Bonvin, spécialiste des politiques sociales, s’interrogeant sur la place réservée dans notre société aux personnes difficiles à intégrer sur le marché de l’emploi.

Détresse

Le débat qui a suivi a montré l’intensité de la détresse de ceux qui assistent aux effets du chômage de longue durée: la difficulté des seniors à obtenir une nouvelle chance, la crainte des Permis B de demander l’aide sociale au risque d’une expulsion, l’impuissance des travailleurs sociaux à proposer des solutions, l’inadéquation de certaines mesures, la sous-enchère salariale, le développement d’un marché privé (et donc lucratif) de la réinsertion…

Autant de questions qui n’ont pas trouvé de réponses ce soir-là, car « le chercheur ne se substitue pas au politique », a rappelé Jean-Michel Bonvin. Mais l’importance de l’enjeu était en tout cas démontrée, tant par les chiffres que par les réactions.

>> Voir le rapport